Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 21h30
Garantie salaire-formation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Je tiens avant tout à remercier le groupe GDR – plus particulièrement mon collègue Gabriel Serville – de proposer ce texte, qui nous rappelle l'impérieuse nécessité d'opérer une bifurcation écologique et solidaire. Pour y parvenir, la mobilisation doit être générale. Il est inadmissible que des personnes se trouvent privées d'emploi quand tant de choses sont à construire.

Pourtant, les plans sociaux – qui n'ont rien de sociaux – , défilent sous nos yeux avec leur lot de vies brisées. Je pense aux salariés de Renault à Choisy-le-Roi, au gigantesque plan de licenciement d'Air France, qui, je le rappelle, a perçu 7 milliards d'euros d'argent public, aux salariés de La Halle ou encore aux journalistes du Parisien, bref, à toutes ces personnes à qui vous ordonnez d'être plus flexibles, de s'adapter, d'accepter des emplois à des kilomètres de chez elles avec des salaires de misère, quitte à ne plus voir leurs proches. À toutes ces personnes vous promettez l'enfer.

Vous programmez, pour septembre, le second épisode de votre réforme de l'assurance chômage. En temps normal, une telle réforme n'aurait jamais dû voir le jour, mais vous allez plus loin : vous la maintenez même en temps de crise ! Vous radiez plus de 1 million de chômeurs de l'assurance chômage, baissez leur indemnité et encouragez les emplois précaires. Je vous l'assure, madame la ministre : les associations en ont même compté 1,3 million. D'ailleurs, si cette réforme était bonne pour lutter contre le chômage, vous l'auriez appliquée au moment même où le chômage explosait ; si vous ne l'avez pas fait, c'est bien la preuve qu'elle n'est bonne qu'à détruire les chômeurs.

Vous n'avez tiré aucune leçon de la crise sanitaire que nous traversons, d'origine sociale, économique, écologique et même civilisationnelle. Au sortir du confinement, si de nombreuses personnes ont perdu leur emploi, d'autres se sont interrogées sur le sens du leur. Elles se sont soudainement senties inutiles, isolées dans des emplois dépourvus de sens. David Graeber le dit si bien au sujet des « jobs à la con » : un être humain privé des facultés d'avoir un impact significatif sur le monde cesse d'exister.

Dans son adresse aux Français, le Président de la République a passé un message clair : produire, produire, produire, travailler plus. Mais produire quoi, pour qui, dans quel but ? À David Graeber de lui répondre : sur toute la planète, les économies sont devenues de gigantesques machines à produire du vent. Nous n'avons pas besoin de produire davantage ; nous devons d'abord définir collectivement quels sont nos besoins. Or, lorsque vous demandez à la population ce qu'elle veut, ce n'est certainement pas des voitures plus grosses, des machines à laver plus performantes ou des gadgets plus nombreux ; elle veut plutôt un air sain, une bonne santé, une eau et une alimentation de qualité, des relations épanouissantes.

La transition écologique et sociale est l'occasion de créer des millions d'emplois utiles. Elle redonne du sens à un monde absurde qui préfère le trader à l'aide-soignante, méprise le pauvre en le tenant pour responsable de ce qu'il est, confond délibérément l'être et l'avoir.

La bifurcation écologique et solidaire remet le monde en ordre. Nous sommes nous-mêmes favorables à la concrétisation d'un droit opposable à l'emploi avec l'État employeur en dernier ressort. Dans ces circonstances, l'État pourrait embaucher des chômeurs pour des emplois socialement profitables et écologiquement soutenables, répondant à des besoins fondamentaux et qui nous manquent cruellement car ils sont délaissés par un marché qui ne répond qu'au profit.

La présente proposition de loi va dans ce sens : ne pas condamner les privés d'emploi à un avenir incertain ou mortifère. Une société qui laisse 10 % de sa population sur le bord de la route est une société malade et qui produit des morts. Chaque année, 14 000 personnes meurent à cause du chômage de longue durée.

Le groupe La France insoumise votera donc pour ce texte, car, pour des centaines de milliers de personnes harassées par la crise, il trace un avenir bien plus désirable que ne le préparera jamais ce gouvernement.

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