Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 21h30
Gratuité des masques de protection — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

… car le sujet appelle plus l'unanimité que la confrontation.

Depuis quelques jours, la vie reprend ses droits. Progressivement, nous reprenons le chemin du travail, de l'école, des magasins. Nous retrouvons le plaisir de voir des amis, d'aller au restaurant, de faire du sport. Oui, la vie reprend son cours, et il faut bien sûr en apprécier toute la saveur.

Cette vie reste néanmoins sous surveillance. Le virus que nous combattons depuis trois mois est toujours bien là. D'ailleurs, comment pourrions-nous l'oublier, ne serait-ce qu'un instant, tant les ravages qu'il a provoqués se rappellent à nous chaque jour ?

Je pense aux 29 575 morts, victimes à ce jour de la pandémie, et à tous ceux qui ont souffert dans leur chair, dont beaucoup subissent encore les effets douloureux de la maladie. Ils ont été admirablement pris en charge par les personnels soignants, qu'il ne faut pas oublier.

Je songe aussi à tous ceux qui perdent leur emploi, qui se retrouvent dans la précarité, obligés de mettre leur activité en sommeil ou même, hélas trop souvent, d'y mettre un terme. Les dégâts sont considérables, et ce n'est pas fini.

Nous ne sommes pas non plus tirés d'affaire sur le plan sanitaire. Tout relâchement prématuré pourrait même relancer l'épidémie, comme on peut le voir en ce moment même à Pékin où l'on vient de fermer toutes les écoles.

Le Conseil scientifique l'a du reste souligné dans ses récents avis. Le 2 juin, il notait ainsi que « le faible niveau de circulation du virus [devait] être mis à profit pour préparer les différentes structures de l'État à affronter une éventuelle reprise de l'épidémie, quelle qu'en soit la forme ». Et d'ajouter que « l'anticipation est [… ] un atout majeur permettant d'éviter l'apparition d'une deuxième vague, aussi massive que celle subie début 2020 ».

L'anticipation est essentielle pour nos hôpitaux publics, fragilisés par deux décennies de restrictions budgétaires, affaiblis par la suppression de quelque 100 000 lits, y compris en réanimation.

Anticiper, c'est aussi prévenir et empêcher le retour du virus. Aujourd'hui, nous sommes tous d'accord pour dire que le port du masque est reconnu comme le plus efficace des gestes barrières. Le Haut Conseil de la santé publique a même préconisé de le rendre obligatoire, au moins dans les établissements recevant du public. Ici même, le Premier ministre traduisait en acte cette recommandation, à la fin du mois d'avril, en imposant le port du masque dans les transports en commun, sous peine d'une amende de 135 euros. L'obligation demeure à ce jour.

L'utilité des masques ne fait plus aucun doute pour personne. Obligatoire pour les enseignants, il le sera à partir de lundi pour les collégiens, les lycéens et les étudiants. Le port du masque est aussi imposé dans de nombreuses entreprises, dans les services publics, à l'entrée de beaucoup de magasins, dans les banques, les bureaux de poste, les salons de coiffure, les taxis, c'est-à-dire dans d'innombrables lieux de la vie courante.

Résultat de toutes ces recommandations : après une chasse aux masques, lancée sur fond de marché noir et de prix exorbitants, la situation s'est régulée progressivement avec l'arrivée de masques en tissu made in France et d'importations massives.

Actuellement, le problème n'est plus l'approvisionnement mais le coût que cela peut représenter pour de nombreuses familles, pour des jeunes, des étudiants, des retraités.

Une boîte de cinquante masques à usage unique de type chirurgical est vendue entre 40 et 50 euros en pharmacie. Puisque le masque doit être renouvelé toutes les quatre heures, il en faut donc deux par jour. Pour un mois, il en faudra plus d'une boîte, ce qui représente plus de 50 euros par personne.

Pour une famille de quatre personnes, la dépense peut donc s'élever à plus 200 euros. Cela n'a rien de fictif : dans certains collèges, les rectorats ont déjà annoncé aux parents d'élèves qu'il faudrait prévoir deux masques de ce type pour une journée de cours.

Il y a aussi les masques textiles lavables. La ministre nous a indiqué la semaine dernière qu'ils reviennent peu cher à l'usage, mais il en faut en moyenne cinq par mois, et il faut les renouveler chaque mois.

Les Français ont donc le choix entre un masque chirurgical à 95 centimes d'euros, sachant qu'il en faut deux par jour minimum, ou un masque en tissu : en voici deux, l'un a coûté 3 euros et l'autre 5. Leur durée de vie est d'environ une semaine.

Quoi qu'il en soit, le coût minimum se situe de 1 à 2 euros par jour et par personne. Pour une personne, la dépense quotidienne représente au moins le prix d'une bonne baguette de pain. Pour une famille de quatre personnes, c'est le prix d'un ticket de cantine d'un enfant scolarisé. Voilà la réalité.

C'est une dépense loin d'être négligeable quand la pauvreté frappe plus de 10 millions de personnes dans notre pays, quand des étudiants doivent solliciter l'aide alimentaire du Secours populaire français, quand des retraités font appel aux Restos du coeur ou au Secours catholique.

Le Gouvernement nous dit que ces personnes les plus en difficultés peuvent se rendre dans les centres communaux d'action sociale – CCAS – des mairies. Vous renvoyez ainsi une partie de notre population vers les mairies alors que nous parlons d'un matériel médical visant à lutter contre la pandémie. C'est comme si les mêmes personnes devaient aller chercher leurs médicaments dans les CCAS parce qu'ils ne seraient plus remboursés. Le port du masque pour tous est une question de santé publique.

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