Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Santé au travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

La période que nous venons de traverser a mis au jour de nombreuses fractures entre les Français qui travaillent : alors que 44 % des cadres ont eu recours au télétravail, seulement 3 % des ouvriers y ont eu accès. De nombreuses professions ont forcé notre admiration ; je pense à celles qui étaient en première ligne – personnels soignants, infirmières et infirmiers libéraux, ambulanciers – , bien entendu, mais aussi à celles de la deuxième ligne : chauffeurs routiers, caissières, éboueurs… Toutes ces personnes n'ont pas cessé leur activité ; au contraire, elles ont porté la France durant cette période, sans être protégées comme elles auraient dû l'être. Pourtant, la santé au travail constitue une priorité, en particulier pour assurer la reprise de l'activité économique de manière durable et dans de bonnes conditions.

Plusieurs études ont démontré le rôle déterminant des contacts au travail dans la transmission du virus. Les travailleurs les plus touchés par l'épidémie sont ceux qui ont été les moins protégés, qui n'ont pas eu accès au gel hydroalcoolique ou aux gants et qui n'ont pas bénéficié de la mise en place d'un protocole sanitaire exigeant. Ces mêmes études révèlent que plus de la moitié des contaminés l'ont vraisemblablement été sur leur lieu de travail.

Malheureusement, malgré la mobilisation des acteurs de la médecine du travail, les services de santé au travail n'ont pas pu avoir l'efficacité qui aurait dû être la leur dans une période si critique sur le plan sanitaire.

Le système actuel de santé au travail date de 1946 : il doit probablement, certainement, nécessairement évoluer pour s'adapter à de nouveaux modes de fonctionnement, comme le télétravail, pour s'améliorer sur le plan de la prévention, pour assurer une meilleure prise en charge, en particulier des personnes atteintes de maladies chroniques. Trop souvent, notre service de santé au travail rime, dans l'esprit des employeurs – je pense notamment aux PME et aux TPE – , avec contraintes et sanctions. Pourtant, les entreprises, ces mêmes PME et TPE, alimentent le fonds nécessaire au bon fonctionnement de la médecine du travail. Il ne faut pas que celle-ci soit perçue comme punitive ; elle doit accompagner le chef d'entreprise, ses collaborateurs, ainsi que les agents.

La présente proposition de résolution est en fait un aveu d'échec. Elle illustre la faillite de la politique de santé du Gouvernement et de ceux qui l'ont précédé. Le Gouvernement a en tout cas brillé par son absence durant la période récente, alors qu'il est responsable de la santé des citoyens, et d'abord de la santé ceux qui ont dû se lever tous les matins durant la période de confinement.

Votre gouvernement, madame la ministre du travail, a été incapable de fournir, en temps et en heure, des masques à tous ceux qui ont continué à assurer leur mission et à se rendre quotidiennement sur leur lieu de travail. Votre gouvernement, madame, a également une très grande responsabilité dans les injonctions contradictoires concernant le port du masque. De l'aveu même des signataires de ce texte, les entreprises se sont trouvées isolées et désemparées : elles ont bien souvent été laissées pour compte par le Gouvernement, qui n'avait rien anticipé et qui les a laissées seules – particulièrement celles qui ne disposaient pas de moyens et de personnels dédiés à l'accompagnement sanitaires de leurs collaborateurs. Je pense en particulier aux PME et TPE qui n'ont pas pu se fournir en masques et en tests.

Malheureusement cette proposition de résolution est un énième voeu pieux de la majorité, et un nouvel artifice du Gouvernement pour détourner l'attention de sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire. En essayant de faire porter le chapeau à la médecine du travail, vous tentez une nouvelle fois de vous absoudre de vos responsabilités en désignant des tiers comme responsables de la situation. Vous avez failli, vous avez manqué à vos devoirs, vous n'avez pas protégé les Français – et vous ne l'assumez pas.

Vous êtes davantage préoccupés par l'aménagement de la responsabilité pénale des ministres, et vos premières mesures ont consisté à offrir la possibilité aux entreprises de diminuer les salaires et d'augmenter simultanément le temps de travail. Ce n'est évidemment pas notre vision des choses. Cette crise sanitaire historique devrait, au contraire, être l'occasion d'un changement profond – mais voilà le monde nouveau, le « monde d'après » que vous préparez.

La première étape du bien-être au travail serait la reconnaissance concrète de la nation envers tous ceux qui ont été en première ligne. Pourquoi avoir privé les ambulanciers, les infirmières libérales et tant d'autres professions de la prime exceptionnelle de 1 500 euros, alors que les ambulanciers s'exposent tout autant que les soignants hospitaliers ? Les infirmières libérales n'ont pas de prime alors que, durant la période, rien n'avait été prévu pour elles, ce qu'elles ont déploré. Elles sont allées au feu seules, sans masques et sans gants. J'ai appelé l'ensemble des infirmières libérales de ma circonscription : …

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