Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière :

À quoi sert la prison ? De l'avis presque général, elle remplit quatre fonctions : neutraliser les délinquants dangereux, éviter que les victimes se fassent justice elles-mêmes, dissuader et réinsérer.

D'autres avant moi ont rappelé, dans le contexte de cette proposition de loi, le principe intangible non bis in idem : nul ne peut être à nouveau poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

Les législateurs que nous sommes, attachés à la règle de droit qui distingue la civilisation de la barbarie, se retrouvent face à ce véritable défi : plus de cent détenus, condamnés pour terrorisme, auront purgé leur peine d'ici deux ans, et certains dès cette année. On sait, de l'avis de nombreux magistrats, que beaucoup ne sortiront pas déradicalisés.

Notre responsabilité de législateur est donc d'aller chercher le juste équilibre : fixer les mesures indispensables pour avant tout parer la récidive – puisque nous sommes face à des sorties sèches – et protéger nos concitoyens tout en respectant la Constitution et nos libertés fondamentales, sans rien céder de la règle de droit quand nos ennemis, eux, exécutent sans autre forme de procès. C'est la ligne de crête à laquelle a très justement fait référence Raphaël Gauvain en commission des lois.

Madame la rapporteure et présidente de la commission, je sais que vous avez fait preuve de dialogue et d'écoute. De nombreux acteurs de la justice avaient vu dans la version originale du texte un risque d'inconstitutionnalité. Le Conseil d'État avait lui-même pointé le risque de « brouillage » et de « confusion » entre les peines et les mesures de sûreté introduites dans le texte.

Nous saluons donc un texte équilibré, fruit du travail de la commission et nourri des amendements adoptés lors de ses travaux, parmi lesquels figurent ceux de notre groupe, défendus par Paula Forteza. Nous souhaitons saluer l'introduction des mesures de sûreté, qui nous paraissent davantage proportionnées. Oui, le taux de récidive est trop élevé en France, mais le délai moyen de récidive est de quinze mois pour les délits et de sept ans pour les crimes : il me semble qu'il était bon d'introduire des durées de mesures de sûreté davantage proportionnées.

Nous tenons également à saluer l'adoption de l'amendement relatif aux dispositions qui relèvent du recours au placement sous surveillance électronique mobile, dispositions qui avaient inquiété le Conseil d'État. Rappelons que nombreux sont les spécialistes de la récidive qui s'accordent à dire que c'est le pointage régulier qui est le plus efficace.

Enfin, nous saluons bien sûr l'ajout d'un alinéa sur la nécessaire prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre la réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté. Bien sûr, il y aura des remarques sur la naïveté de croire à la possible réinsertion des terroristes. C'est pourtant la force de nos valeurs que de croire que tout condamné qui a purgé sa peine peut trouver un nouveau chemin, même si nous sommes bien sûr conscients que tous ne trouveront pas ce chemin.

Le chantier de la déradicalisation en prison reste devant nous. Le rapport d'Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, nous l'a d'ailleurs confirmé. C'est évidemment un travail de longue haleine, mais des initiatives européennes nous montrent pourtant qu'il peut porter ses fruits s'il existe une forte volonté politique, s'inscrivant dans la durée – je fais référence à l'Allemagne, au Danemark, au Royaume-Uni.

Il faut rappeler le sens de la peine : la neutralisation bien sûr, la dissuasion, la réinsertion le plus souvent possible, à côté des mesures indispensables de sûreté.

Eu égard aux avancées réalisées en commission, le groupe Écologie démocratie solidarité sera attentif à ce que les évolutions acquises soient maintenues en séance. Si tel est le cas, conscient de l'urgence d'adopter des dispositifs adaptés, il votera le présent texte.

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