Intervention de Raphaël Gauvain

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain :

Dans les trois années à venir, 150 à 200 personnes condamnées au début des années 2010 pour des faits de terrorisme – pour l'essentiel des tentatives avortées de départ vers les théâtres d'opérations en Irak et en Syrie ou de retour – sortiront des prisons françaises. Actuellement suivies par les services de renseignement en prison, elles présentent encore des profils extrêmement préoccupants.

Le paradoxe est que ces personnes, condamnées pour des actes de terrorisme avant 2016, sont exclues de la totalité des mécanismes d'accompagnement à la sortie de prison : dans le jargon judiciaire, on parle de « sorties sèches ». Elles se retrouvent dehors du jour au lendemain, sans accompagnement ni obligation, alors même qu'elles devraient prioritairement faire l'objet de mesures spécifiques d'accompagnement et de surveillance. L'objet de notre proposition de loi est de mettre un terme à ce paradoxe et de combler cette lacune de notre droit en instaurant des mesures d'accompagnement et de surveillance des terroristes après leur sortie de prison.

En l'état actuel du droit, les seules mesures susceptibles d'être prises le sont par le ministre de l'intérieur : ce sont les MICAS instaurées par la loi SILT. Toutefois, comme l'a rappelé Mme la ministre, ce dispositif est limité. D'une part, il ne prévoit que des mesures de surveillance, et non d'accompagnement. Surtout, il est limité dans le temps : en théorie, il est valable un an, mais en réalité six mois.

Grâce à la présente proposition de loi, il appartiendra désormais au juge, après débat judiciaire et dans le respect du débat contradictoire, de choisir parmi une batterie de mesures, de la simple déclaration d'adresse au pointage dans un commissariat.

Nous sommes sur une ligne de crête au regard des libertés publiques : nous appliquons des mesures restrictives de liberté à des personnes déjà condamnées et ayant déjà purgé leur peine – ou déjà payé leur dette, comme on l'entend dans le jargon judiciaire. La jurisprudence constitutionnelle en la matière est très sévère : elle reconnaît la possibilité de prendre ces mesures dites de sûreté à l'encontre d'une personne dont le comportement présente un certain degré de gravité. Cependant, le Conseil constitutionnel en vérifie la nécessité, et même l'opportunité selon certains commentateurs. Si le Conseil juge ces mesures de sûreté trop sévères et restrictives et les assimile à une nouvelle peine pénale, alors le dispositif que nous proposons courra le risque d'être déclaré inconstitutionnel.

Ce sera à n'en pas douter le fil rouge des débats de ce soir. Votre avis sur ce sujet, madame la ministre – car vous êtes la garde des sceaux, la ministre du droit – nous sera extrêmement précieux. C'est pour respecter cet équilibre et passer le test de constitutionnalité que nous avons allégé le dispositif en commission, suivant en cela bon nombre des recommandations du Conseil d'État. C'est aussi parce que nous sommes préoccupés par l'impératif constitutionnel que nous avons supprimé en commission la possibilité d'ordonner le port d'un bracelet.

Le débat s'est poursuivi à l'issue des travaux en commission, y compris au sein de notre groupe La République en marche, et nous avons décidé de réintroduire le dispositif. Un amendement vous sera présenté en ce sens. Il ne s'agit pas de procéder à un simple rétablissement mais de permettre le port du bracelet moyennant l'allégement des contraintes de pointage – à trois pointages hebdomadaires. Ce dispositif équilibré et opérationnel pourra satisfaire les services de renseignement comme les personnes faisant l'objet des mesures de sûreté.

Ne nous leurrons pas, chers collègues. Pour certains, nous n'en ferons jamais assez et tout cela ne sert à rien ; pour d'autres, nous en faisons trop et tout cela ne sert pas davantage. Les membres du groupe LaREM en sont persuadés : notre proposition de loi constitue une véritable avancée car elle apporte une réponse opérationnelle et équilibrée à la menace terroriste. Notre groupe entend bien la défendre avec force et collectivement.

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