Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Le 18 février, je posais déjà une question au Gouvernement sur la menace des djihadistes sortant de prison. Depuis, la crise sanitaire a frappé et détourné notre attention et, alors que la France était à l'arrêt, confinée, les attentats de Romans-sur-Isère et de Colombes nous ont tristement rappelé que la menace restait intacte. J'ai une pensée pour les victimes de l'attentat commis avant-hier à Reading, près de Londres. À Londres justement, une attaque a été commise le 2 février par un terroriste qui venait d'être libéré.

Les chiffrent donnent la mesure du phénomène : 90 % des 1 500 détenus pour terrorisme ou radicalisation retrouveront la liberté d'ici à 2025. Je rappelle que Merah, Kouachi, Coulibaly, Kermiche – l'un des assassins du Père Hamel – étaient tous passés par la case prison ! En décembre, l'excellent juge Marc Trévidic, qu'a cité Stéphane Peu et qui connaît mieux que quiconque ces questions, déclarait : « On est dans un domaine où le risque de récidive est très élevé » et « Je comparerais cela à des criminels en série ».

Depuis 2012, notre pays a subi 80 attentats terroristes, tous islamistes, qui ont fait 324 morts et des milliers de blessés. J'ai siégé dans la plupart des commissions d'enquête, participé à des centaines d'heures d'audition, effectué des centaines de déplacements : nous sommes, le plus souvent, face à des hommes structurés idéologiquement et déterminés à mener une guerre totale contre la France. Il faut appliquer le principe de précaution. Le doute, et je sais qu'il y a souvent un doute, doit bénéficier à nos concitoyens et seulement à eux, pas aux djihadistes, même repentis !

Un État de droit, c'est d'abord un État qui protège ses citoyens. La sécurité est la première des libertés. Un Français doit pouvoir faire ses courses avec son fils sans se faire assassiner, comme ce fut le cas il y a quelques semaines dans la Drôme. Le risque zéro n'existe pas, mais tout doit être mis en oeuvre pour atteindre l'objectif de zéro victime. Imaginez qu'un seul des djihadistes libérés passe ou repasse à l'acte ! Nous serions tous, nous parlementaires, collectivement responsables. N'attendons pas le prochain attentat pour durcir la législation ! Nous sommes hélas souvent dans la réaction plutôt que dans l'anticipation.

Des centaines de djihadistes vont sortir de prison. Ces hommes et ces femmes sont, pour certains d'entre eux, des bombes à retardement. Croyez-moi, j'ai effectué de longues visites en prison, où j'ai échangé avec le personnel pénitentiaire et plusieurs détenus. Certains pratiquent la taqîya, la dissimulation. Nos prisons sont hélas devenues des écoles du djihad. Combien y rentrent simples délinquants et en sortent radicalisés et djihadistes ?

Alors que faire ? La proposition de loi définit plusieurs mesures de sûreté. Toutefois, le texte a hélas été largement vidé de sa substance en commission, du fait notamment de la suppression du traçage électronique mobile, qui en était un point fondamental. J'ai déposé plusieurs amendements : tous ont été repoussés, comme la plupart des autres. On bâillonne les députés !

L'un de mes amendements visait à créer des centres de rétention administrative destinés aux terroristes les plus dangereux ayant purgé leur peine. La rétention administrative est très efficace et parfaitement compatible avec l'État de droit, comme en atteste le cas d'Israël, État démocratique que je connais bien, exposé au terrorisme depuis sa création. En vingt ans, la rétention administrative a permis d'y diviser par quinze le nombre de victimes et d'éviter des milliers d'attentats. Lorsqu'un djihadiste passe à l'acte, il est déjà trop tard : avant, le risque n'est pas toujours avéré !

Deuxième piste : permettre au Gouvernement de déchoir de leur nationalité les Français coupables d'infractions terroristes, et donc de les expulser du territoire national. Je me permettrai de rappeler ce que je disais ici même en 2014 : « Pour ce qui est des binationaux impliqués directement dans le terrorisme, nous n'aurons pas le choix. Il nous faudra un jour ou l'autre envisager une déchéance de la nationalité. [… ] L'exercice est difficile. Car, contrairement aux terroristes, nous avons, nous, [… ] des considérations humanistes, qui limitent notre capacité d'action. Et c'est bien normal. Or, la morale est totalement absente de l'idéologie terroriste, et cet ennemi profite du fait que nous en ayons une ! » Six ans plus tard, je n'en retire pas un mot.

Des individus qui ont trahi la France et brûlé leur passeport ne méritent pas d'être français ! La procédure prévue à l'article 25 du code civil est soumise à des conditions bien trop strictes. Résultat : depuis 2002, la déchéance de nationalité n'a été appliquée que seize fois. Il est urgent de lever ces verrous. J'irai plus loin : même s'ils n'ont que la nationalité française, ceux qui trahissent la France et prennent les armes contre elle se sont exclus eux-mêmes de la communauté nationale !

J'aurais également souhaité intégrer au texte l'interdiction, pour les islamistes ayant purgé leur peine, de consulter des sites djihadistes. Inconstitutionnel, me dira-t-on. Mais s'il faut réviser la Constitution pour protéger les Français, faisons-le sans hésiter !

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