Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mercredi 24 juin 2020 à 15h00
Création de la fonction de directeur d'école — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Les suicides de Christine Renon et dernièrement de Bruno Delbecq ont jeté une lumière tragique sur les conditions de travail des directrices et directeurs d'école. Ces conditions, la mission flash de novembre 2018, qui proposait alors la création d'un statut, en faisait aussi état : une bureaucratisation croissante du métier, aggravée par l'obsession pour les évaluations et les contrôles ; des heures de décharge insuffisantes ; une piètre rémunération au regard de l'engagement personnel exigé par la fonction.

Ces griefs sont légitimes et il est bon de légiférer. Pourtant, il est difficile de saisir en quoi cette proposition de loi créant la fonction de directeur d'école répond aux attentes et inquiétudes du secteur. Selon nous, en l'état, elle s'apparente plutôt à une énième provocation, pour reprendre les mots du syndicat SNUDI-FO – Syndicat national unifié des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles de l'enseignement public-Force ouvrière. En effet, lors du débat sur la loi pour l'école de la confiance, qui proposait la création des établissements publics des savoirs fondamentaux – EPSF – , l'idée de doter les directeurs d'un statut ou du moins de relations hiérarchiques avec les équipes enseignantes avait soulevé une levée de boucliers des personnels.

Chassée par la porte, cette idée revient ici par la fenêtre, contre la volonté de tous les syndicats d'enseignants. Certes, cette proposition de loi élude pudiquement le terme de statut. Certes, des amendements cocasses, votés en commission, tentent de dissiper la confusion, retirant toute référence à la hiérarchie. Mais de nouveaux amendements dispensent maintenant les directeurs de l'avis du conseil des maîtres, qui n'est d'ailleurs même plus cité ; et les directeurs ou directrices restent dotés d'une autorité académique sur leurs collègues enseignants. Alors comprenne qui pourra : comment être décisionnaire et délégataire de l'autorité académique sans être consacré responsable hiérarchique ?

Mais la ruse ne s'arrête pas là. Si vous déchargez de cours les directeurs à partir de huit classes, ce dont nous nous félicitons, c'est pour mieux leur confier des missions supplémentaires, aujourd'hui assurées par d'autres – et cela sans aucun mot sur l'aide au traitement de la paperasserie qui les assaille, sauf pour ouvrir la possibilité d'aides administratives au bon vouloir des collectivités, selon on ne sait quelles spécificités. Aucun mot non plus sur les directeurs des écoles de moins de huit classes – soit 75 % des écoles – , ce qui laissé craindre le retour aux EPSF, dotés de directeurs rattachés au collège. Voilà les craintes que suscite la proposition de loi.

Enfin, que dire du recul démocratique sur la place des parents d'élèves dont on a vu l'apport dans le cadre de la crise du covid-19 ? Sans les protestations à la gauche comme à la droite de l'hémicycle, ils seraient tout simplement privés d'élection en cas de liste unique. Nous avons toutefois réussi à sauver un vote électronique.

Cette proposition ne répond en rien aux problèmes des directeurs d'école. Rappelez-vous le contenu du courrier de Christine Renon, que vous avez été plusieurs à citer.

En l'état, le texte traduit surtout votre vision de l'école : non pas un espace de démocratie active, reposant sur la collégialité et l'inclusion, mais une entreprise en miniature, avec son cortège de petits chefs et ses pratiques managériales. Cette proposition de loi construit le dernier maillon d'une organisation verticale et autoritaire qui transforme les directeurs, ces professionnels de la pédagogie et de la relation avec les parents et les partenaires, dont Mme Béatrice Descamps a bien décrit les missions, en courroie de transmission des consignes ministérielles. C'est pourquoi le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.

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