Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 24 juin 2020 à 15h00
Création de la fonction de directeur d'école — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Si la crise du coronavirus et le confinement ont été une épreuve pour notre pays, certaines professions ont, avec un dévouement sans faille, continué de le servir. Je pense bien sûr au personnel de santé, mais c'est au personnel éducatif que je veux aujourd'hui rendre hommage, et plus spécialement aux directeurs d'école. Je profiterai donc de l'examen de ce texte pour les remercier.

Avec les instituteurs, ils ont accompli – et continuent à le faire en cette fin d'année scolaire – un travail formidable pour nos enfants, malgré des conditions de travail parfois compliquées. Je veux saluer ici tout particulièrement les écoles de Béziers et des autres communes de ma circonscription. Je ne peux malheureusement pas toutes les nommer, mais je pense en particulier aux écoles de Villeneuve-lès-Béziers et de Corneilhan avec lesquelles j'ai eu l'occasion de travailler dans le cadre du Parlement des enfants.

Cette crise a montré combien le rôle des directeurs d'école est essentiel. Il est plus que temps que la spécificité de leur fonction soit reconnue même si, il faut le rappeler, plus qu'un statut, ce sont des moyens concrets qu'ils réclament.

À cet égard, un récent rapport du Sénat est sans appel. On y lit que « près de 60 % des directeurs d'école [… ] seraient en burn-out », dont un tiers relevant « de la catégorie du burn-out clinique ». Pour les deux tiers des directeurs, les conditions de travail n'ont pas cessé de se dégrader au cours des dernières années. Parmi les causes de ce malaise, 80 % des directeurs interrogés estiment que « trop de décisions leur sont imposées par leurs hiérarchies ». Si l'on ajoute à cela que « près de 4 000 postes de directeurs sont vacants sur environ 44 000 écoles », soit 9 % des postes, il y a vraiment urgence à agir.

Alors si je me réjouis des avancées proposées par ce texte, il reste néanmoins du chemin à parcourir. Prenons quelques exemples.

La création d'un emploi fonctionnel pour les directeurs d'école présente certains avantages. Si, traditionnellement, les personnels sont nommés à des postes de responsabilité pour une durée déterminée, il était important de préciser en commission que tel n'est pas le cas pour les postes de directeur d'école, et qu'ils n'emportent pas d'obligation de mobilité. Les projets pédagogiques ne peuvent en effet être mis en place que sur le long terme et les directeurs n'avaient nul besoin d'une telle précarisation.

Pourquoi, en revanche, faire nommer le directeur d'école par le DASEN, alors même que les postes à profil sont traditionnellement pourvus par un jury, ce qui paraîtrait ici plus approprié et plus équitable ?

En outre, cette proposition de loi prévoit de décharger de classe un directeur d'école lorsqu'il dirige un établissement de huit classes ou plus. Qu'en sera-t-il des directeurs des plus petites écoles ? Le rapport du Sénat indique de façon claire que tous les directeurs d'école subissent une charge de travail importante : plus de 90 % d'entre eux estiment que leur temps de travail hebdomadaire annualisé est supérieur à quarante-cinq heures, la moitié l'estimant même supérieur à cinquante heures.

Il est donc important de reconnaître le nombre de jours de décharge incompressibles. Il faut penser dès maintenant, pour la rentrée prochaine, à la mise à disposition des directeurs d'un ou plusieurs agents administratifs, selon la taille de l'école. À ce sujet, je précise que ces agents doivent relever du ministère de l'éducation nationale, car je n'ignore pas qu'une fois de plus, la tentation est grande d'en faire peser la charge sur les communes.

Venir en aide aux directeurs d'école, c'est aussi répondre à leurs besoins matériels, en leur fournissant notamment des ordinateurs récents. Selon le rapport du Sénat, les problèmes de bureautique représentent trois des quatre premières attentes prioritaires des directeurs d'école en matière de ressources matérielles. Monsieur le ministre, le 20 août dernier, au coeur de la vallée de l'Ariège, à Ax-les-Thermes, vous affirmiez que « le numérique constitue un des leviers majeurs de la politique éducative » que vous menez. Et si l'on commençait par fournir des ordinateurs à nos directeurs d'école ?

L'article 4 de cette proposition de loi prévoit également que les collectivités pourront mettre à la disposition du directeur d'école « une aide de conciergerie ou administrative ». Si l'intention est louable, l'État se déleste encore une fois de ses obligations sur les collectivités, sans leur donner de moyens supplémentaires, ce qui induit forcément un risque de créer une école à deux vitesses selon le niveau de richesse de la commune.

Chers collègues, j'espère que nous arriverons à perfectionner cette proposition de loi afin que nos directeurs d'école se sentent soutenus et encouragés dans leur mission, et qu'ils puissent aborder avec sérénité la rentrée prochaine. Nous pouvons leur faire confiance, ils nous l'ont montré une fois encore durant la crise sanitaire. À notre tour, ne les décevons pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.