Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 9h00
Gouvernance des établissements publics de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Nous le savons, la crise sanitaire a mis à rude épreuve notre système de santé, en particulier nos hôpitaux publics, leurs personnels soignants comme non-soignants, ainsi que leur organisation et leur fonctionnement. Elle a révélé mieux que jamais les difficultés de l'hôpital public, que ses serviteurs tentent, nous l'avons encore vu mardi dernier à deux pas de cet hémicycle, de faire entendre au Gouvernement et à la représentation nationale.

Le virus ayant inégalement contaminé l'ensemble du territoire, les établissements publics de santé n'étaient pas tous, dans les faits, soumis aux mêmes contraintes, à la même charge, à la même tension ni aux mêmes défis – même si le transfert de patients des régions plus touchées vers les régions les moins impactées a pu éviter un déséquilibre total, qui aurait empêché certains hôpitaux de prodiguer les soins adéquats à tous les patients admis.

Cette crise a également montré la grande faculté d'adaptation des personnels soignants, qui ont concentré leurs efforts sur la lutte contre le covid-19, mais cela n'a pu se faire qu'en déprogrammant les hospitalisations et les opérations non urgentes. Nous devons dès aujourd'hui en tirer les conclusions et éviter que ne se reproduisent ces conséquences néfastes pour le fonctionnement des services hospitaliers.

Tel est l'objet de la proposition de loi, qui vise à accroître les marges de manoeuvre des directeurs d'établissement afin de créer des postes ou des lits supplémentaires, dans l'éventualité d'un rebond épidémique ou d'un nouvel épisode de crise sanitaire, mais également afin que les soins non urgents qui ont été suspendus pendant la crise puissent être dispensés.

Ces objectifs, nous les partageons. Ils sont d'autant plus importants que, si le risque d'une deuxième vague est pour le moment écarté, le virus est toujours là et que nous devons parer à toute éventualité. Le rebond que connaît aujourd'hui la Chine, ou même l'Allemagne, le démontre.

Toutefois, bien qu'elle procède d'intentions louables, la proposition de loi comporte une contradiction. En effet, son article 1er octroie la possibilité aux directeurs d'établissement de « procéder à toute ouverture de lit ou recrutement afin d'adapter l'offre de soins ». Il leur permet également de procéder, à titre dérogatoire, à « la création, la conversion et le regroupement des activités de soins au sein de l'établissement public de santé ». Nous ne pouvons qu'encourager un texte qui offre une telle faculté dans un contexte d'urgence et à titre dérogatoire, mais, si ces conversions et ces regroupements d'activités ont pour seul objectif de répondre à une situation d'urgence et sont purement circonstanciels, comme le précise le texte lui-même, pourquoi vouloir les rendre pérennes, à l'article 3, en les intégrant par un avenant au schéma régional de santé ?

Outre cette contradiction d'un dispositif d'urgence qui a vocation à être pérennisé, le texte présente une réforme a minima de l'hôpital public. En cela, il risque d'accentuer les inégalités que nous constatons entre les territoires en matière d'accès aux soins et à la santé. Une réforme de l'hôpital, même a minima, doit nécessairement faire l'objet d'un traitement national et être financée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est en effet le seul moyen de garantir la solidarité nationale et de donner un gage de clarté, d'intelligibilité et d'équité. Il convient notamment de se méfier de ce que peut recouvrir la notion d'autonomie des établissements, susceptible de créer des disparités entre hôpitaux et territoires.

Au groupe Socialistes et apparentés, nous pensons que, malgré l'urgence et le caractère exceptionnel des circonstances actuelles, il ne faut pas s'exonérer d'une telle réforme. Nous n'avons d'ailleurs pas attendu la crise pour en proposer une. Dès le 22 octobre, nous présentions un plan massif de soutien à l'hôpital et à l'autonomie. Celui-ci comportait quinze mesures, dont une revalorisation de la rémunération des personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, un plan d'investissement, au moyen, entre autres, d'une reprise de dette des hôpitaux, et l'instauration d'une règle simple : zéro suppression de poste ou de lit de malade.

Je regrette que le Gouvernement et sa majorité aient fait une fois de plus la sourde oreille. La crise nous a conduits à retravailler et à réactualiser nos propositions : notre plan de relance pour un rebond économique, social et écologique comporte une nouvelle fois une réforme ambitieuse pour l'hôpital public. Nous proposons un plan d'investissements massif, de l'ordre de 10 milliards d'euros, qui porterait le niveau annuel d'investissements à 6 milliards. Nous préconisons également d'augmenter la rémunération des soignants, de mettre fin aux réductions de personnels et de prendre des engagements clairs et chiffrés en termes de créations de postes. Nous proposons enfin de financer les services d'urgence sur la base d'indicateurs de précarité et de réformer l'ONDAM.

Si cette proposition de loi vise à atteindre des objectifs ambitieux et essentiels, la méthode sur laquelle elle repose ne satisfait pas entièrement aux principes de cohérence, de clarté et d'équité, nécessaires à toute réforme. Il convient de mener une réflexion profonde sur l'hôpital public. C'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote de la proposition de loi.

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