Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 9h00
Gouvernance des établissements publics de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Durant la crise sanitaire, nous avons pu constater l'excellence de l'hôpital français. Face à une crise d'une ampleur sans précédent, les soignants et tous les personnels de l'hôpital ont fait preuve d'une capacité d'organisation remarquable. Nous leur devons admiration et surtout respect. Ce sont leur capacité d'adaptation, leur courage, leur investissement, qui ont permis à l'hôpital de tenir. Pour affronter cette crise, les hôpitaux ont fait preuve d'adaptabilité. Ils ont mobilisé tout leur personnel pour répondre aux besoins, déprogrammé certaines interventions chirurgicales ; ils se sont réorganisés massivement pour libérer, voire créer des lits.

Notre système de santé est structuré de façon hiérarchique, du ministère de la santé aux ARS et de ceux-ci aux établissements. L'autorisation de l'ARS est requise pour créer, regrouper ou convertir des activités de soins, ce qui prend beaucoup de temps, et même si des régimes dérogatoires existent, leur application reste soumise à des autorisations préalables parfois longues à obtenir. En acceptant d'assouplir certaines procédures, en s'affranchissant de certaines lourdeurs administratives, les personnels ont su répondre efficacement à un problème inédit.

Faut-il pour autant s'affranchir de ces règles ? Je suis tentée de répondre à la normande, en balançant entre un « oui » franc, qui souhaite libérer les initiatives, et un « non » prudent, qui pense que les règles administratives sont là pour protéger, et non ralentir, même si elles ont parfois pour conséquence un allongement des délais. C'est ma fierté de Havraise, de Normande, qui se révèle dans cet équilibre raisonnable, très éloigné, monsieur le rapporteur, d'une indécision coupable !

Ce texte dispense les hôpitaux publics d'autorisations sanitaires pour une durée de douze mois, pendant lesquels les établissements publics de santé pourraient procéder à toutes les créations, regroupements ou conversions d'activités de soins qu'ils souhaiteraient, sans avoir à solliciter l'autorisation de l'ARS. Ce serait passer d'un régime d'autorisation peut-être parfois trop contraignant à une absence totale d'autorisation. Ces dispositions ne répondraient pas aux enjeux, notamment parce qu'elles excluraient les établissements de santé privés, acteurs qui se sont révélés tout aussi essentiels au cours de cette crise.

En outre, une procédure d'autorisation exceptionnelle est déjà prévue en cas d'état d'urgence sanitaire – plus de 150 autorisations ont été octroyées à des hôpitaux publics et privés au cours de cette crise. De plus, l'éviction des ARS empêcherait toute coordination et régulation régionales dont on a vu durant cette crise qu'elles avaient sauvé des vies, en permettant par exemple le transfert de patients du Grand Est vers des régions dont les capacités hospitalières n'étaient pas saturées. Nos hôpitaux ont trouvé des marges de manoeuvre et l'administration a fait preuve de volontarisme. Les équipes se sont organisées de manière fluide et efficace, combinant les efforts du personnel soignant, des équipes de direction, des équipes techniques et administratives.

Alors oui, le grand chantier de simplification de l'hôpital reste ouvert, et je gage que le Ségur de la santé apportera des préconisations en ce domaine. Oui, il faut réformer l'hôpital, singulièrement les procédures administratives qui visent à améliorer le service aux patients, mais qui parfois ont eu des effets délétères. Il faut toutefois prendre garde aux risques de décisions prises sous le coup de l'émotion et, dans ce domaine, je crois fermement aux larges concertations fondées sur des retours de terrain, telles qu'elles sont actuellement menées dans le cadre du Ségur de la santé. Oui, il est urgent d'agir, mais avec les précautions qui s'imposent quand on touche à notre hôpital d'excellence. Oui, il nous faut travailler sur la gouvernance et sur les passerelles entre le public et le privé, mais renforcer l'administration de l'hôpital n'est pas la solution. Il faut plutôt développer la coordination entre les soignants et la direction, tout en donnant toute leur place aux usagers.

Monsieur le rapporteur, si nous nous rejoignons sur l'objectif, voire la philosophie de votre proposition de loi, nous ne nous rejoignons pas sur la méthode. Agir ensemble n'apportera pas son soutien à ce texte, faute d'adhésion au chemin qu'il trace pour atteindre l'objectif qui nous est commun.

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