Intervention de Stéphanie Rist

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 9h00
Gouvernance des établissements publics de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Rist :

Durant ces derniers mois de crise sanitaire, nous avons vu les hôpitaux se transformer, réagir avec agilité pour parvenir à nous soigner en dépit des pires prévisions. Aux peurs, aux angoisses de cette période incertaine, face à un virus inconnu, le système de santé a répondu avec rapidité, pragmatisme et engagement. Je veux ici remercier l'ensemble des acteurs mobilisés par cette crise.

Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui vise à donner les pleins pouvoirs aux directeurs des établissements de santé publics en effaçant le rôle des agences régionales de santé ou de tout autre organe de régulation ou de coordination. Mais une gestion de crise et la simplification espérée par les professionnels de santé peuvent-elles se passer des acteurs de la régulation ? Les réformes successives de l'organisation et de la gouvernance des hôpitaux menées ces vingt dernières années, avec le soutien de tous les bancs de cette assemblée, ont toutes identifié et promu ce besoin de coordination territoriale et de régulation, et ce, même en temps de crise.

Si l'objectif de la proposition de loi est le bon, à savoir la simplification, les moyens et les outils proposés sont inadéquats. Vous souhaitez substituer à un système ayant fait ses preuves durant cette crise un dispositif qui, si on le regarde de près, se révèle bien plus chronophage, moins réactif, moins efficace. En effet, comme ceux d'entre nous qui ont renfilé leur blouse blanche ont pu l'observer sur le terrain, les hôpitaux ont réussi à se réorganiser rapidement. Qu'ils soient publics ou privés, ils ont été capables de doubler le nombre de lits de réanimation sur le territoire tout en assurant les urgences et le suivi des autres pathologies nécessitant une prise en charge, et cela grâce à l'engagement des acteurs de terrains et aux outils législatifs déjà existants, qui leur ont permis d'obtenir en vingt-quatre heures des autorisations d'ouverture de lits ou de services de réanimation. Ce que vous proposez, en revanche, demanderait pas moins de sept jours. Mes chers collègues, êtes-vous certains qu'il s'agit réellement d'une simplification, d'une plus grande réactivité ?

En outre, votre proposition de loi ne fait nulle part mention du secteur privé. Or si notre système de santé a pu tenir durant la crise, c'est grâce à la mobilisation de tous ses acteurs. Ainsi, dès le mois de mars, les cliniques ont déprogrammé les opérations qui n'étaient pas urgentes et ont participé à l'effort national d'augmentation des capacités de réanimation. Les dispositifs de gestion de crise ne peuvent pas faire l'impasse sur ces acteurs engagés, qui font partie intégrante de la cartographie de notre système de santé. Au-delà d'un manque de cohérence, cet oubli pose également un problème constitutionnel de rupture d'égalité entre établissements publics et privés.

Beaucoup de chemin reste à faire pour répondre au besoin de simplification que vous avez identifié. Il nous faudra dans les mois à venir rendre plus fluides les autorisations, les processus administratifs et accompagner davantage les innovations organisationnelles de nos hôpitaux.

Le Ségur de la santé permet d'esquisser des solutions dans la concertation, pour et avec les acteurs de terrain. La formidable énergie que nous avons observée, la mobilisation des soignants, l'agilité et la réactivité dans la prise en charge des patients doivent être pérennisées, avec les bons outils. La confiance doit être renforcée à l'égard des soignants – de tous les soignants, qu'ils exercent en ville ou à l'hôpital, dans le privé comme dans le public. Capitaliser sur les forces de l'hôpital ne saurait aller avec, comme vous le proposez, des dispositifs temporaires et une échelle variable ; on ne saurait se satisfaire d'une absence de vision territoriale et d'une dérégulation du système de santé – une telle dérégulation n'étant d'ailleurs ni souhaitable ni bénéfique pour les soignants et les patients. C'est pourquoi le groupe La République en marche ne soutiendra pas cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.