Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 15h00
Éthique de l'urgence — Présentation

Adrien Taquet, secrétaire d'état auprès du ministre des solidarités et de la santé :

Jamais, quelles que soient les circonstances, l'éthique ne doit flotter dans le vide ; elle est au coeur de l'acte médical et de toute démarche de soins, qu'il s'agisse d'une intervention prévue de longue date comme d'une prise en charge imprévue, imprévisible, répondant aux critères de l'urgence. Ces dernières semaines, notre pays a été confronté à l'impensable : une crise sanitaire a mis en tension tous nos établissements de santé et a mobilisé nos soignants comme jamais ; il faut leur rendre hommage car ils ont fait face avec un courage et un dévouement exceptionnels.

La compétence technique de nos soignants est reconnue partout dans le monde, mais la compétence n'est pas qu'une somme de savoirs procéduraux ou de gestes à accomplir pour accompagner, pour aider, pour soigner, pour sauver. La compétence est tout entière commandée par des principes éthiques sans lesquels prendre soin deviendrait une tâche mécanique, froide et désincarnée.

Les choix éthiques sont autant de reflets des valeurs d'une société, non pas de manière abstraite, mais dans des pratiques quotidiennes, dans les couloirs de nos hôpitaux ou dans la chambre de nos EHPAD. Dans un contexte de crise sanitaire comme celle que nous connaissons depuis plusieurs mois, des questions parfaitement légitimes se posent, que vous avez bien voulu relayer, monsieur le rapporteur.

L'une d'entre elle est relative à la concurrence des temporalités entre le temps long de la réflexion éthique et le temps court de l'action, quand une vie est menacée et qu'on ne peut plus se permettre d'attendre. Cette concurrence doit être surmontée. La présente proposition de loi, initiée par M. Xavier Breton, poursuit un objectif qu'on ne peut que partager, mais nous pensions qu'il fallait la travailler pour la rendre plus effective. Ce travail a été effectué en commission, et je salue l'implication des députés qui ont consacré du temps à construire un texte tenant compte de la complexité des situations à encadrer.

Dans notre pays, vous ne le savez que trop bien, nous disposons d'instruments uniques au monde pour que les avancées techniques et technologiques ne soient pas hors de contrôle et que le progrès de la science ne contrarie pas nos grands principes. C'est tout le sens des lois de bioéthique. Dès la semaine prochaine, nous aurons l'occasion de débattre à nouveau en commission du projet de loi que votre assemblée a déjà examiné en première lecture, et je m'en réjouis. Les lois de bioéthique permettent à intervalles réguliers aux représentants de la nation que vous êtes de débattre des limites qu'il convient d'imposer à ce que la technique rend possible, de tracer une frontière nette entre ce qui est possible et ce qui est légal. Par ailleurs, des instances, qui peuvent formuler des avis, permettent à des scientifiques, mais aussi à des philosophes, des praticiens et des citoyens, de questionner les tensions à l'oeuvre dans certaines situations ; c'est notamment le cas du Comité consultatif national d'éthique.

Celui-ci peut être saisi sans restriction pendant les états d'urgence sanitaire. Sa réflexion a accompagné les décisions du Gouvernement puisqu'il a rendu trois avis pendant la période récente, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur. Le premier, intitulé « Enjeux éthiques face à une pandémie », a été rendu le 13 mars, en réponse à une saisine du ministère des solidarités et de la santé. Le deuxième, rédigé à la demande du même ministère, sur le « renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les ULD » – les unités de soins de longue durée – , a été remis le 1er avril. Enfin, le troisième, rendu le 20 mai dernier, était intitulé « Enjeux éthiques lors du déconfinement : responsabilité, solidarité et confiance ».

Le présent texte permettra de progresser dans la formalisation de la place de l'éthique en cas d'état d'urgence. De nombreuses familles, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, ont été durement affectées parce qu'elles n'ont pas pu assister aux funérailles d'un parent ou d'un proche disparu pendant la crise sanitaire. C'est un fait et une réalité. Il faudra à l'avenir se prémunir contre ces conséquences, qui ne doivent pas être considérées comme de simples dommages collatéraux. Ces questions ne sont évidemment pas secondaires ; elles sont cruciales pour chacun d'entre nous, pour chacun de nos concitoyens et pour notre société tout entière. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de les avoir placées au coeur du débat démocratique.

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