Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 15h00
Éthique de l'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

« Pour une éthique de l'urgence », tel est le titre de la PPL que nous examinons ; je remercie notre collègue Xavier Breton de l'avoir portée au débat.

La crise sanitaire de la covid-19 laissera des traces profondes, économiques, sociales et médicales, on l'a souvent dit, mais aussi des traces de souffrance humaine : des décès, des douleurs, l'impossibilité de revoir ses proches pour un dernier adieu, la difficulté d'organiser des obsèques – pourtant essentielles, on le sait, au travail de deuil – , et des doutes. Des doutes qui se sont installés insidieusement dans les familles : et si mon père avait été pris en charge plus tôt ? ma mère n'est-elle pas décédée faute de place ? mon fils a-t-il reçu les traitements auxquels il pouvait prétendre ? Tant de questions… Ces doutes douloureux, nous devons y répondre par l'examen rétrospectif des dispositions prises durant la crise – l'Assemblée nationale prend toute sa part à ce travail – mais également par la création de nouvelles procédures, afin que les Français aient confiance, et pleinement confiance, lorsque nous serons confrontés à une nouvelle une crise de cette ampleur. Tel est le sens de la proposition de loi.

L'éthique n'est pas une option à choisir ou pas pour accompagner des mesures de santé publique urgentes ; ce n'est pas le paquet cadeau avec lequel on emballe les mesures d'urgence. C'est une donnée centrale, essentielle et prioritaire, faute de quoi, nous ferions fi de notre condition d'humains. L'efficacité, la rationalisation et les protocoles ne peuvent être imaginés et mis en oeuvre sans que les questions éthiques aient été résolues au préalable. Au nom de l'utilitarisme social, nous ne devons pas abandonner nos principes éthiques. Or, durant la crise, des questionnements ont surgi s'agissant, par exemple, des soins aux personnes âgées, des conditions de vie dans les EHPAD et les centres médico-sociaux ou des rites funéraires.

Si je conçois la nécessité d'être particulièrement vigilant sur les questions éthiques, cette attention louable ne doit pas rendre inopérantes les décisions prises en vertu de l'état d'urgence quand celles-ci doivent s'appliquer dans des délais très courts. Le dispositif d'urgence sanitaire est relativement lourd et implique de prendre des mesures rapidement. La réactivité est donc essentielle, ce qui doit nous conduire à nous interroger sur la compatibilité entre une situation d'urgence et la nécessité d'une réflexion éthique, notamment à l'initiative du CCNE, dont les travaux s'inscrivent dans le temps long. Tout texte visant à légiférer sur l'éthique d'urgence doit tenir compte de ces deux impératifs apparemment contradictoires mais qui doivent être pris en considération simultanément, sans s'exclure l'un l'autre.

La proposition de loi vise à instaurer une procédure de contrôle a priori et une évaluation par le CCNE des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Le groupe Agir ensemble voter pour, évidemment, d'autant que le travail en commission a permis des évolutions positives dans le sens d'un assouplissement du texte. Celui-ci invite désormais le CCNE à s'autosaisir dans le cadre d'une urgence sanitaire, et cette avancée est extrêmement positive. En outre, le CCNE sera désormais saisi de tout décret déclarant l'état d'urgence sanitaire et de tout projet de loi tendant à proroger celui-ci. Cependant, une seule possibilité d'autosaisine est prévue pour les différentes mesures d'application qui seront décidées, chaque fois que le CCNE l'estimera nécessaire.

Il s'agit de mettre en valeur le CCNE, qui a beaucoup travaillé pendant la crise, ainsi que les espaces de réflexion éthique régionaux. Leur travail n'a probablement pas eu l'écho qu'ils méritaient, du fait d'un traitement de l'actualité rendu difficile par l'enchaînement des décomptes macabres. Des avis ont pourtant été publiés et le CCNE s'est même autosaisi sur les rites funéraires, faisant ainsi évoluer la rédaction initiale du décret. Le texte qui nous est présenté constitue une forme de consécration pour le CCNE, dont il nous faudra probablement revoir le rôle, la composition et le mode de fonctionnement, afin de lui donner une place plus ample.

Compte tenu du travail de la commission, qui a permis de préciser le texte et qui me ravit en tant que parlementaire, notre groupe, je l'ai dit, votera en sa faveur. Il résulte d'un beau travail de coconstruction, qui nous honore et que, je n'en doute pas, nous poursuivrons et nous amplifierons lors de l'examen des textes qui nous seront présentés dans les tout prochains jours…

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