Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 15h00
Éthique de l'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Permettez-moi tout d'abord de remercier notre collègue d'avoir déposé une proposition de loi sur ce sujet si important, l'éthique en période de crise. Les semaines de crise sanitaire que nous venons de traverser ont illustré l'importance d'une approche éthique des questions soulevées, qu'elles puissent être anticipées ou bien qu'elles soient imprévisibles. L'interrogation éthique sous-jacente à nombre de décisions mérite toute l'attention des parlementaires comme celle de l'ensemble de la société : ces réflexions ne doivent pas être réservées à quelques spécialistes mais bien au contraire largement partagées.

L'épidémie de covid-19 a, par son caractère inédit, soulevé beaucoup de questions. Elle a imposé la création rapide d'un dispositif d'état d'urgence spécifique aux situations de catastrophe sanitaire, permettant la mise en oeuvre dans les plus brefs délais de mesures restrictives des libertés dans un but de protection des populations, et cela dans un contexte d'évolution permanente des connaissances – souvent partielles – sur l'épidémie qui frappait. Ces mesures ont suscité de nombreuses questions éthiques car elles touchaient aux valeurs qui fondent notre société : la protection de la dignité humaine, la liberté et l'autonomie, l'égalité et la solidarité, la fraternité et la justice, les responsabilités individuelles et collectives. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, plusieurs de ces mesures ont particulièrement suscité l'émotion de nos compatriotes : l'interdiction des visites en EHPAD et le confinement en chambre de certains résidents ; les protocoles de prise en charge des patients âgés atteints de covid-19 ; l'interdiction des soins de conservation en cas de décès et l'immédiateté de la mise en bière ; les restrictions concernant les funérailles et les rites funéraires.

Toutefois, et il importe de le reconnaître clairement, les questionnements éthiques n'ont pas été relégués au second plan pendant cette crise ; ils ont traversé l'ensemble des professionnels du soin, de l'infirmier au médecin, de l'aide-soignante à l'auxiliaire de vie et jusqu'au directeur d'établissement hospitalier. Un encadrement des mesures a été très rapidement organisé bien qu'aucune procédure spécifique n'ait été prévue. Et le Comité consultatif national d'éthique a été sollicité par le Gouvernement ou par le Conseil scientifique à chaque étape de la gestion de la crise afin d'apporter une contribution à la réflexion générale. Il a travaillé en toute indépendance. Je citerai volontiers, à titre d'exemple, quelques-uns de ses avis émis au cours des dernières semaines : l'avis du 13 mars sur les enjeux éthiques de la pandémie et celui du 30 mars sur le renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et dans les unités de soins de longue durée, ainsi que sa prise de position sur le décret du 1er avril 2020 sur le traitement des corps, dans laquelle il alertait sur l'application des mesures en soulignant la nécessité de mettre en perspective les risques sanitaires de transmission avec les risques psychologiques encourus à long terme par les familles n'ayant pas pu dire adieu à leurs morts et s'exposant à des situations de deuil compliquées. Enfin, il a mis en place une veille éthique concernant les personnes vulnérables du fait de leur âge, de leur situation de handicap ou de leur état psychique afin d'envisager un retour d'expérience pour mieux comprendre les fragilités mises en lumière par la crise.

Des questions supplémentaires devront à l'avenir être abordées par le CCNE : comment ne pas pénaliser les femmes sollicitant une IVG en période de crise sanitaire ?

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