Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du jeudi 2 juillet 2020 à 21h30
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Si l'on doit certes, pour le moment, s'habituer à vivre avec le virus, on ne doit surtout pas s'habituer à vivre dans un état d'exception. La sortie de l'état d'urgence sanitaire doit signifier que la liberté d'aller et venir, la liberté de réunion, la liberté de manifester, même encadrée pour faire respecter les règles sanitaires, redeviennent la règle.

Comme le dit la professeure de droit public Stéphanie Hennette-Vauchez, « le coeur de l'état d'urgence sanitaire, les restrictions aux droits des personnes, a été maintenu. Tout ce qui concerne l'activité économique a disparu ».

Vous inventez un nouveau régime juridique. C'est l'état d'urgence sans l'état d'urgence?! C'est la contamination du droit commun par la banalisation de mesures de restriction de libertés, comme celle de manifester. Le risque que certaines dispositions d'exception intègrent le droit commun est bien réel et appelle à la plus grande vigilance.

Ce projet de loi n'est pas seulement dangereux, il nous paraît inutile. D'une part, le Gouvernement dispose déjà de tous les outils nécessaires pour faire face à une nouvelle menace sanitaire grave. L'article L. 3131-1 du code de la santé publique octroie des pouvoirs extrêmement larges au ministre de la santé, qui peut « prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». D'autre part, en cas de recrudescence de l'épidémie, en cas de nouveau pic de contamination, rien n'empêcherait le Gouvernement de recourir, une nouvelle fois, à l'état d'urgence sanitaire.

À l'heure où le mécontentement grandit et où les manifestations se multiplient, la possibilité accordée au Premier ministre de les réglementer, faute de pouvoir les interdire, suscite une inquiétude légitime. Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau nous alerte dans ces termes : l'état d'urgence sanitaire « ne trouve de justification que dans la facilité pour le Gouvernement de réprimer les manifestations, de limiter les libertés de réunion et les libertés de manifestation ».

On peut se demander quel est l'intérêt de prolonger certaines dispositions de l'état d'urgence après la sortie de ce dispositif, à part qu'il permet au Gouvernement de restreindre la circulation des personnes et de réglementer les rassemblements pour des raisons politiques, et non de santé publique.

Justement, en ce moment, les plans sociaux tombent en cascade : 500 emplois sont menacés chez Sanofi, 3 500 chez Airbus, 4 500 chez Renault, 7 000 chez Air France, 1 233 chez Nokia, 1 000 chez Hutchinson, parmi tant d'autres.

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