Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe, rapporteur de la commission spéciale :

Le 15 juin dernier, notre assemblée adoptait en première lecture le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie, dont l'objet est, d'une part, de rendre possible un nouveau transfert de dette sociale vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – , créée à cet effet, et, d'autre part, de faciliter la création d'un cinquième risque et d'une cinquième branche au sein du régime général de sécurité sociale – création qui incombe en définitive au législateur ordinaire.

De l'examen du texte au Sénat est tout d'abord ressortie une profonde convergence de nos deux assemblées quant à l'opportunité d'un transfert de la dette vers la CADES pour l'apurer et en soulager l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Je m'en réjouis, et je tiens à souligner la constance des sénateurs sur ce point. C'est ainsi que l'article 1er, qui repousse à 2033 la date d'extinction de la dette sociale, a été adopté en termes identiques par les deux assemblées.

Malheureusement, l'accord entre ces dernières a achoppé sur deux sujets principaux.

S'agissant de l'article 2, les sénateurs, cohérents avec leur position concernant le transfert de la dette des hôpitaux à la CADES dans le projet de loi ordinaire, ont entendu supprimer la modification organique qui la rendait possible. Je laisserai Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi ordinaire, expliciter les tenants et aboutissants de cette divergence, mais nous avons bien évidemment voulu rétablir dès le stade de la commission spéciale la rédaction issue de nos travaux en première lecture afin que ce transfert, très attendu des établissements de santé, puisse avoir lieu dans les meilleurs délais.

Les sénateurs ont par ailleurs inséré dans le texte un nouvel article 1er bis qui prévoit que soit annexé au PLFSS un rapport destiné à présenter une trajectoire des finances sociales à l'équilibre sur une durée pluriannuelle.

Le dispositif proposé consiste plus précisément à transformer l'annexe B de la loi de financement de la sécurité sociale – qui expose dès à présent une trajectoire à cinq ans des comptes de la sécurité sociale – afin que le solde prévu pendant la période soit positif ou nul, le Gouvernement devant détailler dans la même annexe les hypothèses et les mesures qui permettent d'étayer cet équilibre pluriannuel.

Les sénateurs ont prévu que la sincérité de cette trajectoire serait vérifiée par le Haut Conseil des finances publiques et ont assorti la règle d'une clause de circonstances exceptionnelles – en raison desquelles la trajectoire pourrait n'être équilibrée qu'à un horizon de dix ans. Ils ont retenu une entrée en vigueur à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, portant sur l'exercice 2024, en cohérence avec la prévision d'un retour à l'équilibre des finances sociales en 2023.

Si un tel dispositif ne manque évidemment pas d'intérêt – il reprend à la fois les propositions du Haut Conseil du financement de la protection sociale et les dispositions que nous avions votées au sujet du système universel de retraite – , il semble mal à propos de l'introduire dans le texte, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, une mesure qui n'entrerait en vigueur que dans quatre ans ne présente pas la même urgence que le transfert à la CADES des déficits accumulés, actuellement portés par l'ACOSS à un niveau inédit, ni même que la création d'une cinquième branche, laquelle nous a semblé utile et fondatrice pour définir le cadre de nos futures discussions au sujet du PLFSS pour 2021 et de la loi autonomie que nous attendons tous.

Ensuite, une trajectoire pluriannuelle équilibrée nécessite en tout état de cause d'être pensée de pair avec le champ auquel elle s'applique. Or un sujet aussi vaste et complexe que ce dernier ne pouvait être traité dans le présent texte d'urgence et mériterait probablement un véhicule plus complet. La modification de l'annexe B afin de garantir le respect de l'équilibre des finances sociales doit ainsi s'accompagner d'une réflexion plus large sur le périmètre des comptes sociaux, dont certains volets – je pense aux régimes complémentaires de retraite ou à l'autonomie – pourraient avoir vocation à respecter une trajectoire comparable et à faire l'objet d'un examen unifié.

Enfin, en adoptant dans la précipitation une disposition encadrant le budget de la sécurité sociale à un horizon de quatre ans, dans un contexte financier singulièrement difficile – vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée – , on pouvait craindre de créer de la confusion au moment où l'urgence demeure l'accompagnement sanitaire et financier de nos entreprises comme de nos concitoyens.

L'ensemble de ces éléments ont conduit la commission mixte paritaire à l'échec sur le projet de loi organique et la commission spéciale à rétablir les rédactions issues de nos travaux en première lecture. C'est la position que je vous propose d'adopter en séance publique, tout en conservant les améliorations rédactionnelles apportées par le Sénat.

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