Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Madame la ministre déléguée, j'ai plaisir à vous voir au banc du Gouvernement.

La crise du coronavirus oblige les pouvoirs publics à réagir dans l'urgence pour financer un déficit colossal et une dette qui n'en finit plus d'augmenter. Cette dernière est alimentée par de nouveaux déficits dans le contexte de l'absence de compensation par l'État des différentes mesures d'allégement décidées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et d'une mauvaise gestion de la crise des gilets jaunes.

La loi Veil de 1994 avait en effet prévu le principe d'une compensation intégrale par l'État des allégements et exonérations de cotisations sociales aux caisses de sécurité sociale. Nous en sommes loin. Cette absence de compensation, qui pénalise les cotisants, pèse très lourd sur le budget de la sécurité sociale. Aujourd'hui, il est pour le moins contestable que le coût de la crise sanitaire soit endossé par la sécurité sociale, et donc largement supporté par les actifs et les retraités. L'un des fondements de la sécurité sociale, le principe d'autonomie, est une nouvelle fois mis à mal.

En première lecture, le Sénat a souhaité nous prémunir des dangers d'un nouveau chemin, celui d'une dette sociale incontrôlable qui s'ajoute à une dette publique vertigineuse et à celle des collectivités territoriales. Ainsi, il a rejeté le transfert de la dette des hôpitaux à la CADES et a instauré, dès la sortie de la crise actuelle, une règle d'or destinée à encadrer les futures lois de financement de la sécurité sociale. Nous regrettons donc l'échec de la commission mixte paritaire et le retour à un texte pour l'essentiel identique à celui adopté à l'Assemblée nationale en première lecture.

Ce que nous n'acceptons pas, c'est la prise en charge par la CADES de l'amortissement d'un tiers de la dette hospitalière, pour un coût de 13 milliards d'euros. Même si le groupe Les Républicains n'est pas opposé à la reprise partielle de la dette des hôpitaux, cette somme n'est pas due à une mauvaise gestion des comptes sociaux ou à la crise sanitaire, mais à des décisions qu'il appartient à l'État d'assumer. Sans rapport avec les régimes obligatoires de la sécurité sociale, elle est très largement due à des investissements immobiliers mal maîtrisés.

Cette mesure, à laquelle les partenaires sociaux et les caisses d'assurance maladie sont d'ailleurs opposés, devrait faire l'objet d'une compensation par le budget de l'État. Il faut que la CADES reste centrée sur sa mission d'apurement des déficits de la sécurité sociale, en particulier de toutes les branches. Elle est une structure d'amortissement, elle n'a pas à être transformée en structure de financement – le Conseil d'État a d'ailleurs critiqué cette tendance. Un tel précédent ouvre d'ailleurs dangereusement la voie à des manipulations en faveur d'autres structures, qui seront ainsi tentées de se financer à bon compte. C'est tout l'objet de l'un de nos amendements.

En revanche, nous approuvons l'instauration d'une règle d'or, inspirée du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale de novembre 2019. Cette règle, je l'avais d'ailleurs défendue dès 2010 avec l'un de nos anciens collègues, Jean-Luc Préel. L'annexe votée dans chaque PLFSS devra présenter un solde cumulé positif ou nul sur cinq ans pour l'ensemble des régimes obligatoires, ainsi que pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2010, nous gardions en effet l'objectif d'une extinction totale de la dette et nous avions allongé la durée de vie de la CADES de quatre ans, portant ainsi l'horizon de l'amortissement au 31 décembre 2025 au plus tard. Contrairement à ce qu'indique le rapport, cette mesure entre tout à fait dans le champ d'un projet de loi organique consacré à la dette sociale. Nous refusons cette dette sociale perpétuelle, et nous souhaitons mettre en place les conditions de son non-renouvellement.

En matière d'autonomie, le principe de la création d'une cinquième branche, proposé en première lecture à la faveur d'un amendement de la majorité, a été adopté. Mme la ministre déléguée a toutefois rappelé que les conclusions du rapport que le Gouvernement doit présenter au Parlement ne seront pas connues avant le 15 septembre 2020. C'est ce qui s'appelle mettre la charrue avant les boeufs ! Nous sommes assez circonspects car, à l'heure actuelle, ni les contours ni le financement de cette cinquième branche ne sont clairs. D'autre part, cette création pourrait tout aussi bien relever du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.

Enfin, pour des motifs à la fois sanitaires et financiers, nous défendrons au cours de ce débat un amendement tendant à introduire la prévention comme sous-objectif de l'ONDAM, car elle reste le parent pauvre de la santé.

Vous aurez compris que, pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce texte modifié par la commission spéciale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.