Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 9h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous examinons aujourd'hui, en nouvelle lecture, le deuxième projet de loi de règlement d'un exercice budgétaire sous votre entière responsabilité.

Sans surprise, comme en première lecture, vous vous félicitez de l'exécution budgétaire en 2019. Néanmoins, pour la deuxième année consécutive, le déficit budgétaire est en hausse, alors qu'il avait constamment diminué entre 2010 et 2017. J'ai noté que vous appréciez souvent les résultats en excluant la dépense liée à la transformation du CICE, et ce pour vous rassurer certainement quant au déficit. Pourtant, celle-ci est bien réelle. Il faut l'admettre, ou à tout le moins, l'assumer.

Le budget de 2019 est celui qui a poursuivi la baisse drastique des emplois aidés, dont le nombre est passé en deçà de 83 000, au détriment de la cohésion sociale. Néanmoins, le Président de la République semble avoir enfin changé de regard sur ces emplois, si j'en crois son interview du 14 juillet.

Le budget 2019 est celui qui a réduit, pour la première fois depuis 2012, les effectifs du ministère de l'éducation nationale. La diminution est supérieure aux prescriptions du schéma d'emplois – 3 816 équivalents temps plein ont été supprimés au lieu des 1 800 prévus. Étonnante priorité que de supprimer des postes de professeurs en 2019 !

Le budget 2019 est aussi celui qui a continué de diminuer les effectifs du ministère de l'action et des comptes publics. Avec vous, c'est toujours moins de douaniers, toujours moins de trésoreries sur les territoires.

Le budget 2019 est celui qui met en exergue le fiasco du fonds pour l'innovation et l'industrie que vous avez créé en 2018. Permettez-moi de m'attarder sur ce sujet.

Dans son rapport sur le budget de l'État en 2019, la Cour des comptes souligne que le fonds est étrangement « maintenu en 2020 alors qu'il n'a financé des entreprises qu'à hauteur de 20 % de ses objectifs sur la période 2018-2019 ». En outre, « les principaux projets financés sont ceux déjà financés par le budget général et le PIA », c'est-à-dire qu'il « n'a pas apporté de plus-value par rapport aux circuits budgétaires classiques ». La Cour note enfin que « l'annonce le 11 mars 2020 du report sine die de la privatisation d'ADP rend désormais fortement improbable la substitution de numéraire aux titres dont le fonds a été doté à l'origine, à titre transitoire ». Vous avez donc été sur le point de privatiser ADP – Aéroports de Paris – , société hautement stratégique, pour abonder un fonds qui ne sert à rien. Sans le référendum d'initiative populaire, issu d'une initiative des parlementaires socialistes, le rapport de la Cour des comptes serait arrivé trop tard. Il est temps de mettre un terme au fiasco du fonds pour l'innovation et l'industrie et d'annoncer l'abandon définitif de la privatisation d'ADP.

Le budget 2019 est celui qui n'a pas renouvelé notre stock de masques et qui a réduit les moyens de Santé publique France. Son financement ayant été transféré à l'assurance maladie en 2020, c'est cette dernière qui a dû accorder en urgence une dotation exceptionnelle de 4 milliards d'euros le 30 mars 2020 à l'Agence nationale de santé publique.

Le budget 2019 est celui qui a revalorisé la prime d'activité sous la pression du mouvement des gilets jaunes, mouvement qui vous oblige parce que vous l'avez créé. L'État ne pourra pas se substituer éternellement aux entreprises pour la revalorisation des petits salaires.

Le budget 2019 est enfin celui qui a transformé le CICE en baisse pérenne de cotisations sociales patronales. Aujourd'hui, le coût annuel pour les finances publiques de l'ensemble des dispositifs d'allégements de cotisations sociales approche les 60 milliards d'euros, et vous avez fait le choix de ne pas compenser les exonérations à la sécurité sociale.

En clair, ce budget constitue une mauvaise base pour affronter après la crise les enjeux de demain. Il annonce une trajectoire d'investissement qui ne permet pas d'aborder sereinement la transformation écologique et énergétique. Il vous faudra incontestablement changer d'échelle.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

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