Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 21 juillet 2020 à 15h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, monsieur l'excellent rapporteur – sur un texte difficile, vous avez montré tous les talents que nous vous connaissons – , mes chers collègues, la prorogation de l'état d'urgence, votée à l'unanimité à la suite de la réunion du Congrès à Versailles le 16 novembre 2015, comme sa constitutionnalisation alors annoncée par le Président de la République, répondait à une situation d'exception exigeant des mesures politiques et de sécurité vitales pour notre pays ébranlé, meurtri par le drame terroriste du 13 novembre 2015. Cet état d'exception a été renouvelé à six reprises jusqu'à l'engagement du président Macron d'y mettre fin, ce qui a conduit à sa levée le 1er novembre 2017.

Nous sommes sortis de l'état d'urgence sans que la question de sa constitutionnalisation ait été traitée, alors que les régimes d'exceptions sont inscrits, nous le savons, dans la loi fondamentale constituant notre pacte social. Une inscription dans la Constitution permettrait d'y faire figurer le contrôle qu'il revient à l'Assemblée nationale d'exercer, en donnant son accord et en ayant la possibilité de le retirer en aval. Elle permettrait aussi de limiter les excès possibles lors de l'adoption de mesures par temps de crise.

Le texte dont la prorogation est demandée comporte des dispositions issues de l'état d'urgence – périmètres de protection, fermeture de lieux de culte, MICAS et recours à l'algorithme pour le renseignement – dont la portée potentiellement attentatoire aux libertés a justifié une clause de revoyure. Nous y sommes !

Ces dispositions répondent, dites-vous, à la légitime exigence démocratique de prévention du risque terroriste, mais elles doivent satisfaire tout autant aux exigences constitutionnelles qui fondent notre État de droit. Telle est la difficulté de l'exercice pour le législateur. La police administrative peut être une première marche utile si elle sert la prévention du terrorisme. Toute la difficulté est d'en apprécier le fonctionnement et l'efficacité dans le respect de ces garanties.

Un débat transparent, documenté et apaisé s'impose à ce sujet. Force est de constater que la conjoncture actuelle ne permet pas un tel débat au sein d'un Parlement par ailleurs très demandeur de mesures urgentes en matière de relance économique, d'action sociale, dans une architecture nouvelle faisant prédominer la protection de l'environnement.

Le texte qui nous est soumis a été opportunément modifié par la commission des lois à l'initiative du rapporteur : la prorogation a été réduite de six mois et la limite pour l'examen du texte a été fixée au 31 juillet 2021. Ce délai raisonnable nous convient.

L'examen de ces mesures et leur introduction dans le dur de la loi, en principe sans clause de revoyure, exigera de notre part une grande attention et une évaluation précise de leur application par l'administration. En première analyse, le contrôle parlementaire devrait trouver une application concrète et élargie. Ouvert à tous les groupes d'opposition, ce contrôle améliorerait la démocratie parlementaire sur la question majeure de la police administrative et des prérogatives du préfet.

Le caractère exorbitant de ces mesures administratives nous imposera de réexaminer la procédure, le rôle du juge et l'exercice des droits de la défense. « Reculer sur nos libertés, c'est donner raison aux terroristes », disait Éric Dupond-Moretti – on le cite beaucoup depuis qu'il est devenu garde des sceaux. Je partage cette approche, qui commande une analyse fine de l'ensemble du texte, de sorte que, sans amoindrir les outils de prévention du terrorisme, nous garantissions le maintien de nos libertés.

Pour l'heure, il s'agit d'une prorogation, la situation difficile que nous connaissons, fort heureusement exceptionnelle, ne permettant pas l'examen attentif d'un nouveau texte. Par ailleurs, on nous dit qu'il a été fait une application raisonnée des dispositions concernées. En conséquence, les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront, dans leur grande majorité, le projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.