Intervention de Pierre Morel-À-L'Huissier

Séance en hémicycle du mardi 21 juillet 2020 à 15h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-À-L'Huissier :

En 2017, lors de l'examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, il avait été décidé que les mesures de surveillance administrative auraient un caractère expérimental, et notre groupe avait salué cette évolution. Eu égard à leur nouveauté dans notre ordre juridique et à leur caractère très dérogatoire au droit commun, il était sage de nous laisser ainsi une marge de manoeuvre. Nous étions donc tous conscients des enjeux en matière de libertés individuelles.

Bien sûr, la volonté de protéger nos concitoyens n'est pas un sujet de discussion. Le débat relatif à ces mesures administratives porte donc essentiellement sur l'équilibre entre sécurité et liberté. Or ce débat peut se révéler complexe et délicat ; l'examen de cette question demande du temps. Les circonstances actuelles, liées à l'épidémie, n'y sont pas propices.

Par conséquent, nous soutenons ce projet de loi, qui tend à modifier la date butoir des expérimentations. Nous saluons vivement le fait que cette date ait été finalement ramenée au 31 juillet 2021. En effet, nous ne voyions a priori aucune raison de prolonger davantage les expérimentations. Le débat avec le Parlement doit avoir lieu le plus tôt possible : nous ne devons en aucun cas occulter les questions de fond plus longtemps qu'il n'est strictement nécessaire. Nous devrons alors nous interroger sur l'efficacité réelle des différents dispositifs, et nous demander si le contrôle parlementaire effectué a été opérant et utile.

Ces mesures ne sont évidemment pas suffisantes en elles-mêmes. C'est une question que nous devrons également nous poser. En effet, il ne faut pas oublier que la lutte contre le terrorisme doit aussi reposer sur des programmes de déradicalisation performants et sur la réinsertion, l'univers carcéral devant être beaucoup plus tourné vers cet objectif qu'il ne l'est aujourd'hui. Cela pourrait d'ailleurs constituer une réponse nouvelle à la situation des enfants français récupérés, au cas par cas, en provenance des camps kurdes de Syrie. Nous souhaitons qu'ils soient réintégrés en France avec leur mère – je sais que le sujet est délicat, monsieur le ministre, et nous aurons l'occasion d'y revenir.

Sans remettre en question ces mesures en particulier, puisque nous aurons le débat plus tard, je tiens à faire une remarque plus générale : il semble que nous nous accoutumions du provisoire qui dure et de mesures censées être temporaires qui finissent par intégrer le droit commun. Les intentions sont souvent bonnes, puisqu'il s'agit, dans la plupart des cas, de garantir la sécurité de nos concitoyens, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu'à force de fusionner les mesures dérogatoires avec le droit ordinaire, nous risquons de ne plus en reconnaître les frontières. Nous devons rester vigilants.

Le groupe UDI et indépendants ne se prononce donc pas sur le fond, mais uniquement sur la nécessité de reporter le débat, pour qu'il puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Il est favorable à ce report.

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