Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du mardi 21 juillet 2020 à 15h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière :

La gravité des faits auxquels ce texte fait référence est toujours dans la mémoire de chacun d'entre nous. Depuis 2017, l'autorité administrative dispose de moyens juridiques étendus ayant pour seule finalité la prévention des actes de terrorisme. En raison du caractère dérogatoire au droit commun de ces mesures qui accroissent les pouvoirs de police de l'autorité administrative, le Parlement a souhaité en limiter la durée d'application au 31 décembre 2020.

Aujourd'hui, comme en 2017, nous devons répondre à la question fondamentale de l'équilibre entre les deux valeurs charnières de ce texte que sont la sécurité et la liberté. Pas de sécurité sans liberté ; pas de liberté sans sécurité. Quand les menaces à l'ordre public – et par conséquent à la sécurité collective – s'accroissent, l'arsenal juridique doit savoir s'adapter, sous le contrôle des juges. Ce texte nous propose ainsi de proroger de six mois la durée de validité de certaines dispositions.

Nous saluons, comme d'autres avant nous, l'amendement de M. le rapporteur, approuvé par le Gouvernement, qui limite la prorogation à six mois contre un an dans le projet initial. Nous réaffirmons également notre attachement à un contrôle parlementaire opérationnel : les rapports détaillés sur les mesures prises dans le cadre de la loi SILT, adressés chaque année au Parlement, doivent nous permettre d'apprécier par nous-mêmes la menace terroriste sur le territoire de la République et l'efficacité des dispositifs déployés pour lutter contre elle.

Nous gardons cependant, à l'instar d'autres collègues, un oeil critique sur l'article 2 prorogeant de six mois l'expérimentation de techniques algorithmiques sur les données dans la lutte contre le terrorisme. L'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure comporte certes un certain nombre de garanties quant à l'usage de ces algorithmes, mais son cadre est aujourd'hui dépassé à plusieurs titres. Le rapport pour avis de la commission des lois sur le présent texte souligne que la non-prise en compte de certaines données interroge sur l'efficacité réelle du dispositif. En outre, il paraît opportun d'attendre la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les questions préjudicielles posées par le Conseil d'État à l'issue de l'affaire Tele2 Sverige. Cette décision, qui doit intervenir à l'automne, pourrait rendre nécessaires des ajustements substantiels du droit du renseignement.

Les circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l'épidémie de covid-19 rendent difficile l'examen par le Parlement, en temps utile et dans des conditions de débat appropriées et sereines, d'un projet de loi spécifique portant sur les conditions de la pérennisation ou de la suppression de ces mesures. Il faut laisser un temps nécessaire à la préparation d'un texte de loi équilibré permettant de mettre fin à ces mesures transitoires, qui ne peuvent être inscrites dans le droit commun de manière pérenne.

L'équilibre nous paraît trouvé dans ce texte qui respecte une stricte proportion entre la gravité de la menace et le niveau des restrictions consenties à l'exercice normal des libertés publiques, notamment grâce au caractère limité dans le temps des mesures adoptées. « Sans sécurité, il n'y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Juste la peur », affirmait Ghislain Benhessa, auteur de L'État de droit à l'épreuve du terrorisme, dans Le Monde lors des débats sur la loi SILT, il y a trois ans. Force est de constater que la menace, toujours présente – insidieuse, silencieuse, mais forte – , nécessite d'accorder notre confiance au Gouvernement pour garantir la sécurité des Françaises et des Français.

C'est pourquoi le groupe Écologie démocratie solidarité, qui entend les observations formulées par le Gouvernement, votera pour le texte. Nous vous donnons rendez-vous, dans quelques mois, pour l'examen d'un nouveau texte de loi.

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