Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

C'est une honte ! Au final, c'est sur notre dos que tout cela va peser. En toute hypothèse, comme cela a été dit, le résultat de cette négociation est que nous rembourserons soit par le biais de notre contribution en tant qu'État-nation – qui représente 17 % du montant du budget de l'Europe – et donc de charges supplémentaires qui ne figurent pas dans vos prévisions, soit par le biais de ressources propres, dont seuls les naïfs peuvent penser qu'elles ne seront pas, au bout du compte, payées par quelqu'un !

Je suis naturellement partisan de l'augmentation des ressources propres, et je ne peux oublier qu'elles représentaient initialement 60 % des revenus du budget européen, seuls 40 % provenant alors des contributions des États. Nous sommes aujourd'hui dans la situation inverse.

Et s'il faut entrer dans le détail de ces ressources propres, regardons par exemple les taxes qui pèseront, à juste titre, sur le plastique. Elles coûteront aux Français 1 milliard d'euros, mais qui les payera ? Est-ce l'État, les producteurs, les collectivités ? Il y a beaucoup de trous dans les explications qui nous ont été fournies et dans les présentations qui sont faites, ce n'est pas raisonnable.

Qui investit en France ? Vous ne vous posez jamais la question ! Le premier investisseur du pays, ce sont les collectivités locales. Par conséquent, s'il y avait demain un plan de relance – plan dont il n'est pas question dans vos prévisions budgétaires – sa structure de base reposerait forcément sur les communes, qui sont seules capables de repérer les besoins et de suggérer les moyens d'y pourvoir. Dans ces conditions, les communes devraient donc être les premières à bénéficier d'un surcroît, d'une abondance de financement, leur permettant de distiller au bon endroit, au goutte à goutte, les finances dont nous avons besoin pour faire redémarrer l'économie. Mais cela n'apparaît pas dans vos prévisions.

Une fois de plus, on ne parlera que de l'investissement public. Pourtant, c'est l'investissement privé qui est un problème dans ce pays ! Comment se fait-il que, depuis 2009, les dividendes aient augmenté de 70 % tandis que l'investissement privé a baissé de 5 % ? Qu'est-ce que ce capitalisme de bons à rien, pas même patriotes, qui n'investissent pas ? Lorsque STX France a été mis en vente, il a fallu compter sur le capital italien : n'y a-t-il pas d'argent, dans ce pays ? Aujourd'hui, alors même que l'on parle de développer l'investissement ferroviaire, on confie la société France Rail Industry, qui produit des rails, à une compagnie anglaise. Parmi toutes celles qui se proposaient de racheter l'entreprise, pas une seule société française, pas un seul euro de capital français ! Qu'est-ce que cette classe capitaliste parasitaire, incapable de venir à la rescousse de la patrie lorsque celle-ci a besoin des efforts de tous pour remettre en route la machine ?

Oui, je clame mon indignation. Il n'est pas normal que, avec 5 300 milliards d'épargne, on ne trouve pas de quoi pourvoir aux besoins du pays. Il n'est pas normal, alors que 1 700 milliards sont placés dans l'assurance vie, dont 50 % sont investis à l'étranger, qu'on ne trouve pas de quoi pourvoir aux besoins du pays sans venir sans cesse pleurer dans le giron de l'État, pour exiger de lui toutes sortes de remises – dont on nous dit d'ailleurs qu'elles finiront par revenir dans l'investissement privé. Où trouve-t-on les revenus du CAC 40 dans l'investissement privé dans notre pays ? Nulle part !

Mes derniers mots seront pour cet accord prétendument historique qui a, paraît-il, mutualisé les dettes. C'est faux ! Ce qui a été mutualisé, c'est la garantie pour rembourser les dettes, qui seront, elles, payées par chacun des États qui auront à emprunter. Et nous, Français, paierons plus que ce que nous aurons reçu, parce que notre contribution au budget européen sera supérieure aux résultats et à la demande actuelle. Par ailleurs, nous n'avons aucunement besoin de l'emprunt européen pour emprunter à taux négatif : raconter que les eurobonds seront une facilité pour la France est pure illusion !

Enfin, et j'achèverai là-dessus, vous n'avez pas présenté le lien entre les réductions du budget européen et les subventions que vous toucherez : si la PAC diminue, de combien augmentera le budget de l'agriculture ? Où cela figure-t-il dans le projet de loi de finances ?

Voilà pourquoi les députés du groupe La France insoumise ressortent de tout cela fort marris, et fort inquiets.

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