Intervention de Philippe Naillet

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Naillet :

Ce débat d'orientation budgétaire est particulier. D'abord, il est basé sur un rapport préparatoire d'un gouvernement qui n'est plus. Ensuite, il porte sur le dernier budget que la majorité devra pleinement assumer. Enfin, le projet de loi de finances pour 2021 devra plus que jamais répondre aux exigences sociales, environnementales et économiques après le mouvement des gilets jaunes mais surtout après la crise sanitaire du covid-19, avec ses conséquences économiques et sociales qui frappent de plein fouet nos territoires ultramarins, structurellement plus fragiles que l'hexagone.

Nous pourrions avoir un débat d'orientation budgétaire à la hauteur de la situation si vous arrêtiez enfin de considérer les outre-mer comme une variable budgétaire pour Bercy. Au-delà de leurs appartenances politiques, les Français de nos territoires sont très largement déçus par le traitement qui leur est réservé depuis trois ans. Ils sont déçus par une réforme globale des aides économiques aux entreprises précipitée et non concertée, et par les artifices comptables annonçant de fausses hausses de crédits et transformant une solidarité nationale en une solidarité ultramarine qui fait porter sur les moins riches la péréquation vers les plus pauvres.

Que dire de la baisse importante des crédits de la ligne budgétaire unique dédiée au logement, la LBU, qui a plongé – précipité ! – le secteur du bâtiment et des travaux publics, grand pourvoyeur d'emplois, dans la pire situation depuis une décennie ? Au premier trimestre, à La Réunion, les consultations pour travaux étaient en recul de 41 % après avoir déjà diminué de 31 % en 2019. Pourtant, il y a un réel besoin de logements en nombre. Chacun le sait, un habitat digne est la condition minimale pour assurer l'épanouissement de nos familles et l'égalité des chances dès le plus jeune âge.

Alors que, ces dernières années, nos territoires ultramarins ont connu les plus forts taux de croissance, en 2018 comme en 2019 la croissance et la création d'emplois salariés ont malheureusement régressé. Comment ne pas être interpellé quand la Cour des comptes souligne, à propos de l'exécution du budget outre-mer 2019, que si l'on compare les crédits consommés et les crédits ouverts, les écarts sont de 272 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 285 millions d'euros en crédits de paiement ? Pour relancer nos économies en souffrance, nous devons agir vite et fort, il y a urgence ! Le plan logement outre-mer présenté à l'automne dernier doit être mis en oeuvre dans tous ses paramètres, le plus rapidement possible.

Nous devons soutenir nos filières agricoles en maintenant et en honorant impérativement les budgets dédiés à leur diversification, conformément aux annonces du Président de la République faites à l'automne dernier, lors de son passage à La Réunion. Je fais référence au programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité et au fonds du comité interministériel des outre-mer. Il est indispensable de pérenniser nos modèles. Malgré les alertes, les différents gouvernements restent sur des promesses de mouvements de crédits que personne ne voit venir. Les crises liées au mouvement des gilets jaunes puis au covid-19 ont pourtant prouvé qu'on pouvait compter sur nos producteurs locaux, en temps normal comme en cas de défaillance des importations alimentaires.

Nous devons accélérer le déploiement des plans de convergence et de transformation signés l'année dernière. Je regrette, comme la plupart de mes collègues ultramarins, qu'ils ne soient pas à la hauteur des ambitions de la loi relative à l'égalité réelle outre-mer, ressemblant plus à une addition d'objectifs des différents ministères qu'à des projets permettant une réelle convergence.

Il faut également prévoir l'accompagnement des seniors dans les outre-mer, qui connaîtront des transitions démographiques bien plus rapides et plus importantes que l'hexagone. En cela, nos territoires doivent être des exemples pour le pays tout entier et devront, bien sûr, bénéficier d'adaptations.

Enfin, si le soutien à l'économie est essentiel, de nombreux autres combats doivent être menés pour affronter les difficultés chroniques qui, à des milliers de kilomètres d'ici, sont plus prégnantes encore que dans l'hexagone. La lutte contre les violences faites aux femmes comme celle contre la consommation abusive d'alcool demandent des moyens plus importants. Le remboursement sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées n'est plus acceptable. Les critères de calcul des pensions de réversion pratiqués aujourd'hui mettent en grande difficulté des conjoints déjà socialement vulnérables.

Messieurs les ministres, une fois de plus, vos propos ne semblent pas répondre aux difficultés structurelles déjà connues ni aux crises qui ont aggravé la précarité des plus fragiles sur nos territoires – j'ai une pensée particulière pour nos compatriotes de Guyane et de Mayotte. Pour être à la hauteur de nos valeurs, le budget 2021 devra répondre aux enjeux du vingt et unième siècle : les enjeux sociaux, ceux de la transition écologique et de l'économie bleue. Les Français ultramarins, répartis aux quatre coins du monde, ne demandent qu'à en être des acteurs : à vous de nous prendre enfin en considération à l'automne prochain. Plus qu'un plan de relance, c'est un plan d'urgence que les députés du groupe Socialistes et apparentés attendent.

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