Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Lorsque nous avons examiné la proposition de loi, le groupe Libertés et territoires s'était montré extrêmement réservé, pour plusieurs raisons. Nous souscrivons évidemment à l'instauration de mesures visant à prévenir la récidive en matière d'actes terroristes, et le combat contre ce fléau nécessite l'engagement de tous, mais lutter ensemble ne veut pas dire piétiner de concert les libertés fondamentales.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit que votre ministère serait celui des libertés et des droits de l'homme ; nous nous en réjouissons car la défense des libertés fait partie de l'ADN de notre groupe. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous étions opposés à la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, dite « anticasseurs », à la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, et à toutes celles qui font pencher la balance de la justice, prétendument du côté de plus de sécurité mais, en réalité, vers moins de libertés.

Le groupe Libertés et territoires est farouchement engagé pour un juste équilibre entre sécurité et liberté. Or nous avons le sentiment que certaines dispositions de la proposition de loi portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes condamnées ayant purgé leur peine, s'apparentant donc à des mesures punitives plus que préventives.

Certes, nous vous le concédons, prévenir la récidive des auteurs d'actes terroristes n'est pas un défi simple à relever, mais il ne faut pas pour autant tomber dans les solutions faciles : n'instaurons pas une politique pénale qui prendrait appui sur les peurs de nos concitoyens, pour sacrifier les libertés sur l'autel de plus de sécurité ; ne tombons pas dans l'émotionnel, inefficace et qui mine la démocratie de l'intérieur.

Les propositions que nous devons intégrer dans notre arsenal législatif pour lutter contre la récidive en matière de terrorisme doivent être adaptées aux risques et respecter les principes de notre État de droit. Cela signifie que nous devons d'abord savoir où nous allons, sous peine que cela ne nous mène nulle part, aurait dit Henry Kissinger ! Mais comment savoir où l'on va alors qu'aucune étude globale n'a été menée sur le risque de récidive des Français partis rejoindre le groupe État islamique, en Irak et en Syrie, pendant la période du califat, et qui s'imposent dans les débats maintenant ? Où se trouve l'étude d'impact ? Il n'y en a pas ! En Belgique, une étude récente, aux résultats totalement contre-intuitifs, a révélé que moins de 3 % des jihadistes condamnés une fois dans le pays avaient à nouveau commis des faits terroristes.

Il y a un instant, je vous parlais du caractère punitif de certaines dispositions du texte. C'est le cas du placement sous surveillance électronique, qui ne s'apparente nullement à une mesure de sûreté. Certes, il est conditionné au consentement de la personne, mais cette condition nous paraît d'emblée faussée. Vous proposez en réalité d'instaurer une peine supplémentaire, pour un acte qui n'a pas été commis, le tout enveloppé d'une dose de bonne conscience : c'est le détenu qui choisit de se mettre sous les écrous !

Par ailleurs, comme mon collègue Jean-Félix Acquaviva vous l'a indiqué, nous estimons que la proposition de loi présente un risque grave : celui de voir les mesures de sûreté destinées aux terroristes islamistes s'appliquer à d'autres publics, comme les militants politiques, écologistes, altermondialistes, animalistes, Corses, Basques et d'autres encore ; de telles mesures de sûreté à l'issue de la peine se révéleraient totalement disproportionnées par rapport à l'action militante pour laquelle ils ont été condamnés, trop répressives – comme l'est d'ailleurs actuellement, pour bon nombre de ces militants, l'inscription au fichier des auteurs d'infractions terroristes, crainte au sujet de laquelle nous n'avons pas été entendus.

Si nous sommes heureux de constater que notre amendement visant ce que les dispositions du texte ne soient pas applicables aux détenus libérés avant l'adoption de la proposition de loi, qui avait été adopté en séance publique, ait été maintenu par la commission mixte paritaire, nous ne sommes évidemment pas satisfaits de l'ensemble du texte.

Celui-ci, vous l'aurez compris, ne nous semble pas être la bonne réponse à la nécessité de lutter contre les risques de récidive d'actes terroristes ; il porte atteinte aux libertés individuelles de manière disproportionnée, sans pour autant nous assurer une plus grande sécurité.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez laissé entendre que ceux qui ne voteraient pas en faveur du texte porteraient une lourde responsabilité en cas de nouveaux actes terroristes.

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