Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du mardi 28 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Plusieurs questions fondamentales se posent. Nous aimerions vous entendre, monsieur le ministre, et connaître la position du Gouvernement sur ces points.

Tout d'abord, l'article 1er modifie en profondeur la filiation en supprimant la référence au père du modèle légal filiatif. A-t-on mesuré les risques que cela représentait ? Car cette fois, c'est au nom de la société que, dès le départ, ex ante, on va créer des orphelins de père. L'assumez-vous ? Lorsqu'on formule la question en ces termes à nos concitoyens, ils se montrent largement opposés à votre projet.

Par ailleurs, dans cet article, vous supprimez le but thérapeutique de l'AMP. Est-il possible qu'à leur tour des couples hétérosexuels fertiles aient recours à cette technique, leur permettant de mieux sélectionner l'enfant à naître par des diagnostics élargis dans le cadre de la PMA ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous répondre aussi sur ce point ?

N'existe-t-il pas un risque de marchandisation de la procréation, comme l'a d'ailleurs indiqué le Conseil consultatif national d'éthique, le CCNE, qui estime, dans l'un de ses rapports, que la remise en cause du principe de gratuité des éléments du corps, menacé par une demande croissante de gamètes, risque de déstabiliser tout le système bioéthique français actuel ? Assumez-vous cette déstabilisation ?

Par ailleurs, au nom du principe d'égalité, la PMA ne nous mènera-t-elle pas inévitablement vers la GPA, la gestation pour autrui ? Monsieur le ministre, vous êtes certes médecin et non un spécialiste du droit, mais ne sous-estimez pas la force du principe d'égalité. Dès lors que l'on ouvre aux couples de femmes et aux femmes seules la possibilité d'avoir accès à la PMA, comment pourra-t-on refuser, à terme, au nom même de ce principe d'égalité, à des couples d'hommes ou à des hommes seuls d'avoir recours à la GPA ?

Je terminerai en citant un rapport de 2005 du CCNE : « L'AMP a toujours été destinée à résoudre un problème de stérilité d'origine médicale et non à venir en aide à une préférence sexuelle ou à un choix de vie sexuelle. L'ouverture de l'AMP à l'homoparentalité ou aux personnes seules ouvrirait de fait ce recours à toute personne qui en exprimerait le désir et constituerait peut-être alors un excès de l'intérêt individuel sur l'intérêt collectif. » Monsieur le ministre, assumez-vous une telle orientation ? Le CCNE ajoutait, dans ce même rapport : « La médecine serait simplement convoquée pour satisfaire un droit individuel à l'enfant. »

Sur des questions aussi fondamentales, pourquoi ce qui était vrai en 2005 ne le serait-il plus en 2019 ? Avec ce projet de loi, ne serait-on pas, comme l'a excellemment expliqué mon collègue Marc Le Fur, en train de créer inévitablement un droit à l'enfant ? Si tel est le cas, on voit bien que nous franchissons une nouvelle ligne rouge. Monsieur le ministre, nous souhaitons vous entendre, vous ne pouvez pas vous dérober une nouvelle fois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.