Intervention de Jean Lassalle

Séance en hémicycle du mercredi 29 juillet 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Hier soir, j'ai évoqué le changement que j'avais observé en matière d'adoption en une vingtaine d'années. En tant que conseiller général et vice-président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, j'ai beaucoup oeuvré en faveur de l'adoption. À l'époque, les réseaux sociaux n'existaient pas.

J'ai le souvenir d'un événement fort, le premier qui m'ait marqué à ce sujet. Dans une famille d'amis, le fils a lancé à ses parents : « Pourquoi m'avez-vous enlevé aux rues de Saïgon ? C'est là-bas que je devrais vivre, puisque j'y suis né ! » Quelques années plus tard, sa soeur a posé la même question : « Pourquoi m'avez-vous enlevée aux rues d'Alger, où j'aurais dû grandir ? » Pourtant, leurs parents étaient bienveillants et avaient mis des années à obtenir l'adoption – je suis même témoin du supplice qu'on leur a fait subir pour les y préparer ! Il arrive d'ailleurs que des couples divorcent parce qu'ils n'arrivent pas à suivre la cadence.

Avec ce texte, nous nous engageons dans un processus comme l'humanité n'en a jamais connu. Certes, nous avons eu de grands débats, par exemple sur l'avortement, mais ils concernaient des hommes et des femmes qui existaient bel et bien, et qui avaient une capacité de réflexion. Aujourd'hui, nous prenons des décisions pour des êtres qui n'existent pas encore, et dont nous ignorons parfaitement ce qu'ils penseront dans vingt ou trente ans.

En tout cas, quand on voit ce que nous faisons de l'intelligence artificielle, que nous ne sommes plus capables de gérer avec les deniers publics et que nous confions à de grands groupes industriels qui en font une utilisation entièrement au profit de leurs actionnaires, quand on voit ce que l'armée est obligée de faire pour les mêmes raisons, quand on voit l'état de désunion qui règne dans notre pays, avec un communautarisme qui se développe un peu partout et la fragmentation désormais criante de la France – même si elle ne remonte pas à trois ans et demi, mais a commencé bien avant – , quand on voit la situation dans laquelle se trouvent nos concitoyens et qu'on entend ce que vous dites, à savoir qu'en ce magnifique soir de la fin du mois de juillet, on va se faire un petit plaisir, passer cette deuxième lecture en cachette et faire en sorte que le texte soit voté nuitamment, dimanche, sans que cela fasse de bruit, puisque toutes les gazettes seront en train de dormir lundi… Vous pensez vraiment que cela ne va pas laisser de traces ?

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