Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du vendredi 31 juillet 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur de la commission spéciale :

Nous sommes poussés toujours plus loin dans l'argumentation ! L'erreur vient du mot « chimère » : il suscite forcément les fantasmes. Vous devez d'abord savoir que ces pratiques ont cours depuis des décennies dans nos laboratoires. J'en donnerai quelques exemples.

Comment pratique-t-on une recherche sur les médicaments anticancéreux ? Ils seront d'abord essayés sur des cultures de cellules cancéreuses. Ensuite, avant d'envisager des essais sur l'homme, la phase préclinique contraint à développer des modèles animaux. Des souris, ou plus souvent des rats, sont humanisés : on module leur système immunitaire en pratiquant des xénogreffes – terme plus pertinent que celui de chimère – , c'est-à-dire qu'on positionne chez l'animal des prélèvements de tumeur humaine, afin qu'il les supporte. Le modèle ainsi obtenu sert l'analyse des anticancéreux, en observant si la tumeur régresse. Je pourrais citer un grand nombre de laboratoires ou d'entreprises privées qui travaillent de cette manière. Pour réussir la xénotransplantation, il est nécessaire de modifier la souris ou le rat.

Les propos de notre collègue Eliaou m'offrent un second exemple, la pathologie bien connue qu'est le diabète, ou plus précisément la sous-pathologie moins connue qu'est le diabète de type 1, avec une destruction auto-immune du pancréas, en particulier des îlots pancréatiques et des cellules de Langerhans. Des modèles de souris humanisées permettent de développer des cellules de Langerhans et des îlots pancréatiques humains.

On peut également songer aux miniporcs, chez lesquels on essaye de développer des coeurs qui seront peut-être un jour transplantables. Ces recherches ne sont pas nouvelles ; leur ancienneté et le nombre d'équipes dans le monde qui s'y consacrent montrent le long processus nécessaire, alors que nous savons tous que de nombreux patients sont en attente d'une transplantation cardiaque et que, malheureusement, beaucoup n'en bénéficieront pas. Ces embryons de porcs sont donc « humanisés » sur le plan immunologique, afin qu'ils développent un coeur transplantable.

J'ai enfin évoqué, dernier exemple, la dégénérescence des cellules souches humaines : leur état souche doit donc être régulièrement vérifié. Pour ce faire, on place dans une boîte de Petri les cellules embryonnaires humaines et on teste leur état souche avec des tissus extra-embryonnaires animaux – parce qu'il est toujours préférable de ne pas avoir recours à du matériel humain.

Tels sont les travaux qui suscitent les fantasmes à cause du mot « chimère ». Ils sont pourtant pratiqués depuis des décennies : l'important est qu'ils soient contrôlés, certes, mais aussi et surtout poursuivis.

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