Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du vendredi 31 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Article 19 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

C'est bien depuis la gauche, au nom d'une part de l'héritage républicain, que j'affirme que la question de l'égalité ne peut être tranchée facilement dans les domaines qui nous occupent, et doit y être mise en dialogue avec celles de l'altérité, de la liberté, de la responsabilité prise pour autrui, de la fraternité enfin. Elle doit être pensée à l'échelle non seulement d'un projet familial singulier, respectable, mais aussi de la société dans son ensemble, et dans le temps long.

S'agissant très précisément du DPI-A, comme l'ont dit différents collègues, le choix intime et libre d'un couple éclairé ou non par la science doit être opéré en toute conscience de ce qu'il produit pour les autres. Lorsque nous déclarons, quelle qu'en soit la raison, qu'un enfant, un embryon, le début de la vie peuvent être considérés comme un déchet, toutes les personnes porteuses de la pathologie écartée, éliminée, pourraient se sentir humiliées plus qu'on ne peut le dire par la société et en éprouver une profonde blessure.

Nous ne sommes pas des poissons isolés dans l'océan, nous nageons en banc : chaque fois que l'un de nous agit, cela retentit jusqu'au bout du monde et sur l'ensemble de la société. Je le dis au nom d'une valeur de la gauche qui n'est pas libertaire, qui peut sembler conservatrice, mais que je revendique.

J'avoue un sentiment de vertige à l'idée que l'on entérine une filiation lacunaire, un droit à concevoir seul, que l'on interroge ainsi les principes mêmes qui fondent la médecine et la sécurité sociale. Incidemment, prend corps l'idée même d'une conception sur mesure réduisant l'être humain à sa matérialité.

Mes questions, sans réponse évidente, portent sur les conséquences pour l'enfant comme personne, mais également pour la société dans le temps long. Mon alerte la plus vive, qui justifie à elle seule que je n'aie pas voté le projet de loi en première lecture et que je m'apprête à nouveau à ne pas le faire, est le risque d'une marchandisation accrue du vivant, non délibérée, par une dérive de l'individualisme libéral. En nous affranchissant de certaines limites, nous consentirions ainsi à une nouvelle servitude.

Pour paraphraser Camus, chaque génération a la responsabilité d'engendrer la suivante. Rappelons-nous avec lui et avec d'autres penseurs qui n'étaient pas de droite, qui ne croyaient pas à un ordre ancien ou naturel, que l'on peut attacher de la valeur à l'idée que notre humanité se grandit moins dans la manifestation de sa toute-puissance que dans son attention au fragile.

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