Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure spéciale, chers collègues, ma collègue Béatrice Piron et moi-même souhaitons tout d'abord souligner la quasi-stabilité des crédits concernant la presse écrite et la hausse des crédits en ce qui concerne les industries culturelles. Toutefois, nous nous sommes concentrées, dans notre rapport, sur la situation de l'audiovisuel public, du fait du montant des économies demandées et parce que nous pensons que le temps d'une réflexion globale est venu.

En effet, l'audiovisuel public est au coeur de l'exception culturelle, au coeur du financement de la création dans sa diversité, au coeur de l'indépendance et de la souveraineté nationale, face aux géants mondiaux des contenus et à l'heure des « fake news », au coeur du pluralisme et de la liberté d'expression, donc au coeur même de la démocratie. C'est l'un des rares instruments dont nous disposons pour créer un imaginaire collectif, construire notre identité, éduquer et réduire les fractures territoriales, sociales et culturelles. Il s'agit enfin de notre capacité à porter ce modèle dans le reste du monde : un véritable enjeu de civilisation.

La France consacre 3,7 milliards d'euros à l'audiovisuel public, quand les Allemands lui accordent 9,5 milliards d'euros, avec onze chaînes nationales, et les Anglais, 7 milliards d'euros, avec neuf chaînes nationales. À l'ère du numérique, il nous semble fondamental que la place du service public soit réaffirmée, et que sa raison d'être ne soit plus débattue uniquement sous l'angle budgétaire, comme c'est le cas depuis trop longtemps. Il est temps de relégitimer son rôle et sa place. Cela ne pourra se faire qu'en assumant politiquement la refondation de ses missions, la modernisation de sa gouvernance et de son financement, en associant les citoyens à cette transformation, comme ont su le faire les Allemands, les Anglais ou les Finlandais.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, si nous pensons, bien évidemment, que les opérateurs publics ne peuvent être exonérés de toute contribution à l'effort de redressement des finances publiques, nous tenons dans ce rapport à nuancer le diagnostic sur lequel a été fondé le montant des économies demandées. À travers les contrats d'objectifs et de moyens, les entreprises de l'audiovisuel ont d'ores et déjà amorcé leurs trajectoires de transformation. Toutes ont engagé des actions de maîtrise de leur budget, de leur masse salariale et de leurs frais de structure. Toutes ont commencé à développer des projets communs et à créer des synergies génératrices d'économies. Toutes ont lancé des projets innovants. Certes, bien des progrès restent à accomplir, mais modifier la trajectoire deux mois avant le début de l'année budgétaire est un exercice périlleux !

Enfin, madame la ministre, il nous semble déterminant que la poursuite de ces transformations passe par l'adaptation du financement de l'audiovisuel public. La réforme de la contribution à l'audiovisuel public ne peut plus être différée, étant donné l'évolution des usages et la suppression progressive, pour 80 % des contribuables, de la taxe d'habitation. De notre point de vue, quel que soit le modèle retenu, il devra apporter des garanties en matière de prévisibilité et de stabilité des ressources, d'indépendance de la ligne éditoriale, de transparence, d'équité et d'acceptation sociale. Seule l'universalisation de la contribution à l'audiovisuel public, sur les modèles allemand, finlandais ou italien, nous paraît satisfaire à ces exigences.

Enfin, madame la ministre, je ne peux pas ne pas évoquer l'actualité du jour. Un article du Monde fait état de « pistes » de travail – lesquelles n'ont pas été validées par vous, nous le savons ; vous avez d'ailleurs annoncé que vous alliez porter plainte à ce sujet. Toutefois, c'est une nouvelle occasion pour nous de nous élever contre des propositions totalement technocratiques, qui ressurgissent régulièrement, sans prendre en compte le réel, ni affirmer une ambition pour notre service public.

L'une de ces propositions envisage de regrouper France Télévisions, Radio France et les autres sociétés : dans notre rapport, nous nous élevons contre une telle fusion, vieille fausse bonne idée à laquelle nous pensons qu'il est temps de tordre définitivement le cou. Une autre proposition vise à faire passer brutalement France 4 au numérique : cela remettrait en cause le financement de la création en matière d'animation, filière d'excellence française, ainsi que l'indispensable mission de service public qui consiste à s'adresser à nos enfants au travers de programmes de qualité. Enfin, le document évoque une réforme de France 3, sans se poser la question de la raison d'être d'une télévision de proximité, ni prendre en considération l'écosystème dans son ensemble, public et privé.

Madame la ministre, vous avez plusieurs fois affirmé – je sais que cela vous tient à coeur – que la création ne pouvait être une variable d'ajustement budgétaire et que le service public était au coeur de notre société. C'est parce que nous avons confiance dans cette volonté renouvelée que nous émettrons un avis favorable sur le projet d'évolution des crédits de cette mission. Nous souhaiterions toutefois que vous nous rassuriez une nouvelle fois sur la méthode de transformation, sur votre volonté de modernisation de la contribution à l'audiovisuel public et sur votre volonté que soit conduite une réflexion plus large encore sur la régulation de l'écosystème audiovisuel, qu'il soit public ou privé.

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