Intervention de Franck Riester

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Riester :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, dans le contexte budgétaire contraint que nous subissons actuellement, les crédits consacrés par l'État à la politique culturelle devraient être confortés en 2018 – les débats précédents l'ont largement souligné. Ces crédits témoignent d'un volontarisme que le groupe Les Constructifs salue et auquel il s'associe.

Cette priorité donnée à la culture tranche avec le précédent quinquennat, où la profonde indifférence du chef de l'État pour le monde de la culture s'était traduite par une baisse sans précédent des budgets en 2013 et 2014, baisse qui n'avait pas été compensée par les augmentations promises en fin de mandat.

Madame la ministre, chers collègues, je tenais néanmoins à appeler votre attention sur deux secteurs. Le premier est celui de la musique. Je me réjouis de la priorité donnée à l'export. Depuis 2010, le chiffre d'affaires réalisé par la filière musicale française à l'export a augmenté de 30 % pour atteindre 262 millions d'euros, porté par le succès d'artistes populaires dans le monde entier tels que David Guetta, Kungs ou Justice.

Ces résultats encourageants témoignent d'une dynamique que les pouvoirs publics doivent continuer à encourager. C'est pourquoi nous nous associons à la revalorisation de 1,3 million d'euros du Bureau export de la musique française qui sera votée pour 2018, grâce à l'amendement que le Gouvernement présentera aujourd'hui.

Je me félicite, madame la ministre, que vous ayez entendu la demande de la filière musicale pour renforcer les crédits budgétaires de cette institution : il s'agit d'une priorité pour permettre d'assurer le rayonnement de nos artistes et le développement d'un écosystème vertueux, garant d'une création riche et diversifiée.

Par ailleurs, madame la ministre, vous venez d'évoquer le rapport de Roch-Olivier Maistre sur le projet de maison de la musique. Il s'agit d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur, car, comme vous le savez sans doute, en 2011 et 2012, j'ai moi-même participé à la mission de préfiguration du projet de centre national de la musique, qui réunissait alors toute la filière.

Ce projet, que François Hollande avait repris dans ses engagements de campagne, a pourtant été abandonné dès 2012. Depuis, rien n'a été fait, ou du moins pas grand-chose, dans ce domaine. Pourtant, la filière musicale demande des actes : une volonté politique doit se traduire par des engagements financiers concrets. Sans ambition claire à ce niveau, la filière ne suivra pas.

En second lieu, je souhaitais vous alerter sur notre service public de l'audiovisuel.

Les crédits de l'audiovisuel public baisseront en effet de 36 millions d'euros par rapport à 2017. L'écart par rapport aux crédits négociés dans les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programme s'élève donc à 80 millions d'euros. Il faut reconnaître que, en augmentant massivement les budgets prévisionnels en fin de législature dans le cadre du COM, la précédente majorité vous a laissé une ardoise intenable. Pour éviter les impasses de ce type, les COM devraient être finalisés en début de quinquennat, même s'ils sont négociés en amont, afin de ne pas engager les majorités suivantes.

Par ailleurs, il est essentiel que les ressources créées pour l'audiovisuel public soient bien affectées à ce secteur – Virginie Duby-Muller l'a rappelé à l'instant. Les taxes créées en 2009 – taxe Copé ou « telco » et taxe sur la publicité des chaînes privées – pour financer l'arrêt de la publicité sur France Télévisions après vingt heures ont été détournées par la précédente majorité au profit du budget général de l'État, ce que je dénonce avec force depuis plusieurs années.

Ainsi, en 2017, seuls 164 millions d'euros ont été reversés à France Télévisions sur les 298 millions du produit de la taxe Copé. C'est un scandale. Lorsque nous expliquons aux Français que nous leur demandons des taxes pour financer l'audiovisuel public, le rendement de ces taxes doit aller à l'audiovisuel public.

Madame la ministre, je voulais aussi insister sur le fait que la participation de l'audiovisuel public au redressement des comptes de l'État peut se justifier, si les budgets sont au service d'une politique ambitieuse pour assurer la pérennité de nos sociétés de programme.

À ce titre, j'ai proposé dès 2013 de constituer un groupe public transmédias unique regroupant France Télévisions, Radio France et l'audiovisuel extérieur de la France. Certains se sont ralliés à cette idée, et je m'en réjouis. Une stratégie de diffusion multi-supports des contenus doit permettre non seulement de créer des synergies, de gagner en cohérence et en compétitivité auprès des téléspectateurs français, mais également de mieux porter la voix de la France à l'international.

Cette réforme de l'audiovisuel public ne pourra se faire que dans le cadre d'une réforme plus générale de la régulation de l'audiovisuel. La loi de 1986, promulguée à une époque où le numérique n'existait pas, est obsolète. Elle a tant été amendée que même le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, pourtant évidemment grand connaisseur de ces sujets, l'estime illisible. Il faut en finir avec ce bricolage législatif et réglementaire, et créer une nouvelle loi permettant la constitution de grands groupes français compétitifs tout en favorisant la diversité de la création et le pluralisme des acteurs.

Enfin, la France doit être proactive pour préserver au niveau européen la notion d'exception culturelle – je sais que vous y êtes très attachée, madame la ministre – , en particulier dans les négociations en cours sur la réforme de la directive sur les services de médias audiovisuels, dite SMA.

Madame la ministre, chers collègues, malgré ces quelques remarques, le groupe Les Constructifs, désireux d'encourager la dynamique impulsée par le Gouvernement en matière culturelle, votera les crédits de cette mission.

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