Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 15 septembre 2020 à 15h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

La République française, dont le Président a célébré le 4 septembre dernier le cent-cinquantième anniversaire de la proclamation, est sociale depuis la Constitution de 1946. La république est un idéal qu'il nous faut poursuivre ; c'est au nom de cet idéal qu'est affirmée l'irréductible dignité de chaque personne, ce dont la reconnaissance de ce que chacune et chacun peut apporter à la communauté nationale par son travail est une déclinaison. Ce n'est d'ailleurs pas autre chose que proclame le préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Nul n'est inemployable : mesurons à quel point cette phrase est belle et exigeante ! Il n'y a pas de fatalité à ce que notre marché du travail soit une machine à exclure.

Lors de la précédente législature, la volonté de tout essayer face au chômage a conduit les députés socialistes, notamment Laurent Grandguillaume et notre collègue Dominique Potier, qui siège parmi nous aujourd'hui, à déposer le 22 juillet 2015 une proposition de loi d'expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée, dont nous examinons aujourd'hui l'extension. Cette proposition de loi est née d'un dialogue fructueux entre la société civile et la représentation nationale – un dialogue, et non une volonté d'imposer une conception idéologique du travail et du marché de l'emploi.

Donner aux acteurs des territoires les moyens de se mobiliser pour inventer de nouvelles formes d'emploi : ce n'est pas aux femmes et aux hommes d'être agiles, et comme de l'argile malléable au gré des désirs des employeurs, pour s'adapter à n'importe quelles conditions de travail. En concevant des emplois utiles sur la base de la motivation, des compétences, des expériences, des connaissances de chacun, cette expérimentation met l'économie à sa juste place, au service des femmes et des hommes, démontrant à toutes les entreprises et à toutes les organisations qu'on peut concevoir les choses différemment. C'était le sens de la proposition de loi « entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances » que Dominique Potier et moi-même défendions ici-même il y a bientôt trois ans, appelant en vain à un nouvel esprit d'entreprise.

Comme l'analysait le regretté Bernard Stiegler, qui nous a quittés prématurément cet été, « le travail doit être entendu au sens de l'ouvrage et distingué du labeur ; il constitue un investissement de l'individu ou du groupe dans la production d'un ouvrage ». C'est ce que font les comités locaux et les entreprises à but d'emploi des territoires zéro chômeur de longue durée.

Que démontre cette riche expérimentation depuis cinq ans ? Que les gens veulent travailler ! Que les personnes privées d'emploi ne se complaisent pas dans les allocations – d'ailleurs, moins d'un chômeur sur deux est indemnisé. Elle a même permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage, que le fonctionnement même de notre système avait rendus invisibles. Grâce à ce dispositif innovant, ces personnes devenues invisibles aux yeux de notre République ont retrouvé le chemin de l'emploi.

La proposition de loi des députés socialistes avait été adoptée à l'unanimité : nous espérons qu'il en sera de même de ce texte, dans le contexte si singulier de la crise qui frappe notre pays et bien au-delà. Mais pour cela il faut retrouver l'alchimie des origines, écouter celles et ceux qui ont travaillé chaque jour pendant ces cinq années pour faire vivre cet idéal républicain, et la représentation nationale dans sa diversité.

Le Président de la République n'a malheureusement pas rappelé dans son hommage que la IIIe République était un régime parlementaire. C'est à l'issue de longues délibérations qu'elle a adopté les grandes des lois qui structurent notre nation, comme celle de séparation des églises et de l'État ou celle assurant la liberté de la presse. Retrouver cet esprit suppose d'amender ce texte, s'agissant notamment du nombre de territoires d'expérimentation. Vous vous réjouissez qu'il ait été porté à 60 : nous considérons qu'il ne devrait plus y avoir de plafond, 120 projets étant déjà quasiment prêts. Ou bien que celles et ceux de qui s'opposeraient à ce déplafonnement nous disent qu'ils sont prêts à y renoncer pour leur territoire, dans l'attente d'une éventuelle extension de cette disposition !

Cette proposition de loi ouvre une nouvelle période d'expérimentation. Pour ne pas en obérer les chances de réussite, il convient d'assurer à chaque territoire le bénéfice effectif de cinq années pleines pour se développer.

Je ne doute pas que toutes et tous ici aient la volonté de lutter contre le chômage de longue durée, contre tous les séparatismes qui pourraient miner notre République, qu'ils soient sociaux, fiscaux, éducatifs ou autres. Commençons par faire une République pour tous, la République du travail, conformément à l'objectif originel de cette expérimentation.

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