Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 15 septembre 2020 à 15h00
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

C'est du jamais vu : le produit intérieur brut a chuté de 13,8 % au deuxième trimestre, accusant le plus fort recul depuis 1949, nous dit-on. Malheureusement, notre dégringolade est plus rapide que celle de nos voisins européens puisque les pays de l'Union européenne et de la zone euro ont, eux, respectivement enregistré une baisse moyenne de 11,9 % et 12,1 %. Bref, les affaires vont mal, même très mal pour certains. Les entreprises du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration sont parmi celles qui ont le plus perdu : entre 30 et 40 milliards d'euros pour l'année 2020.

Dans ces conditions, la consommation intérieure apparaît comme un levier essentiel de la reprise économique. Mais, bien entendu, pour consommer, il faut du pouvoir d'achat, ce qui est impossible quand on n'a pas d'emploi. Or, là encore, rien ne va plus : 800 000 emplois devraient être détruits cette année selon la Banque de France et le taux de chômage pourrait attendre 11 % au premier semestre 2021. Air France, Airbus, Nokia, Renault et beaucoup d'autres entreprises ont annoncé des suppressions d'effectifs et 61 % des startup françaises ont déclaré reconsidérer leurs intentions de recrutement dans les prochains mois.

Alors, évidemment, il faut innover, imaginer, expérimenter. Toute idée est bonne à prendre pour lutter contre ce chômage de masse qui risque, après la crise économique, d'engendrer une crise sociale tout aussi redoutable.

C'est dans ce contexte que s'inscrit votre expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». La méthode est innovante. Elle renverse le schéma classique d'embauche en partant des compétences des chômeurs pour créer de l'emploi. Le mécanisme est simple, il s'agit de mettre en regard le coût du chômage – en moyenne 18 000 euros par personne et par an pour l'État et les collectivités territoriales – et le coût d'un emploi – environ 20 000 euros pour un SMIC, toutes cotisations confondues – , pour allouer ces 18 000 euros que coûte donc la prise en charge d'un chômeur au financement de son emploi. Afin d'éviter les effets d'aubaine, les projets sont soumis à un comité local pour validation. Le processus semble bordé et emporte un certain consensus. Pour ma part, j'espère que l'extension de cette expérimentation portera ses fruits.

Un bémol cependant : amplifier ce dispositif et, en même temps, serrer la vis pour les contrats aidés brouille la grille de lecture. Ces contrats aidés sont en effet très utiles sur le terrain. En contrepartie d'une aide de l'État, l'employeur doit accompagner son salarié à travers diverses mesures, de formation notamment. C'est non seulement du donnant-donnant mais aussi du gagnant-gagnant : une vraie bouffée d'air frais. Pourtant, pour cause de coupes budgétaires, les contrats aidés se font rares. À Béziers, en 2020, la mairie n'a ainsi pu embaucher que 40 personnes contre 80 en 2019. C'est tout à fait regrettable, car les collectivités territoriales peuvent apporter un véritable soutien à la population en matière d'emploi. Certains de ces emplois sont d'ailleurs pérennisés.

L'exposé des motifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure, commence par le rappel du principe constitutionnel selon lequel « chacun a le devoir de travailler et d'obtenir un emploi ». Il ne suffit pas de le dire, encore faut-il s'en donner les moyens. Je ne vous cache donc pas ma déception après avoir entendu le Premier ministre affirmer sa volonté de soutenir le recrutement des jeunes via les contrats aidés.

Déception car, dans les faits, son engagement est tronqué : le décret du 5 août 2020 instituant une aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans ne contient pas un mot au sujet des collectivités. Avouez qu'en termes de pragmatisme, on fait mieux. J'ai d'ailleurs saisi le Premier ministre en ce sens, la semaine dernière.

Espérons que le tir sera rapidement corrigé car, plus que jamais, les territoires ont besoin de mesures concrètes, efficaces, opérationnelles immédiatement. Dans l'Hérault, le taux de chômage au premier trimestre 2020 était de 11,2 %. Ça, c'était avant la crise sanitaire. Je vous laisse imaginer à combien ce taux va s'élever dans les prochains mois si nous n'agissons pas rapidement. Je ne parle pas de mesurettes, ni même d'expérimentations : étant donné notre situation économique, ce qui nous manque le plus, c'est le temps.

Ma question est donc simple : qu'attend le Gouvernement pour aller au bout des dispositifs existants, afin de redonner du souffle à nos territoires ?

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