Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du lundi 21 septembre 2020 à 16h00
Programmation de la recherche — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Notre recherche est notre capacité à comprendre, à créer et à innover. De nos laboratoires sont issues les innovations dont découleront nos modes de vie futurs. Les emplois de demain vont y éclore. Elles seront à l'origine de nouvelles thérapeutiques qui guérissent et guériront les patients, ou encore des solutions qui rendront les modes de vie durables et protégeront – il y a urgence – la biosphère.

Notre capacité à comprendre est le produit de notre recherche. La montée globale des connaissances sur la planète, le corps humain, les phénomènes physiques et chimiques, les interactions sociales, notre histoire et notre culture, s'inscrit autant dans le présent du vivre ensemble et du développement économique et social que dans le futur et notre aptitude à le dessiner, à le rendre possible, à le rendre meilleur.

En mesurant son caractère si crucial, nous pouvons nous réjouir de la qualité indéniable de la recherche et de l'engagement de ses acteurs. La France est et a été, au long de son histoire, une grande nation scientifique.

Nous pouvons aussi vouloir le meilleur pour elle et, à cette fin, prendre conscience, avec bienveillance et lucidité, des phénomènes d'érosion à l'oeuvre : recul de la place de la France dans la recherche mondiale, baisse de l'attractivité des carrières scientifiques, désespérance dans les laboratoires, manque de financements, blocages dans les processus de valorisation et dans les passerelles entre le public et le privé, insuffisance marquée de la culture scientifique et technique de la population – avec son corollaire, l'explosion des fake news, qui n'a pas épargné l'actualité de la pandémie.

Trop nombreux sont les départs de jeunes chercheurs à l'étranger, qui, après avoir été formés par notre système éducatif, ne participeront pas au rayonnement de notre pays. À des titres différents, Esther Duflo et Catherine Dulac offrent des exemples, révélés cette année, de ce phénomène, qui témoignent plus généralement d'un manque d'attractivité du métier de chercheur en France. Or l'enjeu est bien d'attirer les meilleurs d'une génération vers ces métiers. Ce n'est pas seulement dû à des questions financières, qu'il s'agisse de rémunérations trop faibles ou du manque de ressources pour conduire les travaux. Non, le malaise me paraît en partie dû à un sentiment de blocage nourri par des procédures complexes, parfois opaques, une coordination perfectible entre universités et organismes de recherche publics, ou entre structures publiques et privées, et une ouverture trop timide sur le monde de l'entreprise, vers lequel les découvertes de nos chercheurs devraient pourtant déboucher naturellement.

Nos défis sont donc nombreux pour rendre à notre recherche, négligée depuis tant d'années, la place qui lui revient au coeur de notre société, mais aussi à l'international. Et c'est à les relever que le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche que nous commençons à examiner s'attelle.

Il s'y attelle sur le temps long, celui dont la recherche a besoin. Le projet de loi a, en effet, le mérite de tracer des perspectives de moyen terme, faisant fi des échéances politiques immédiates. Si ce point a pu faire l'objet de critiques, il montre, à mon sens, une réelle volonté de se dégager d'un calendrier purement institutionnel, pour penser la recherche de demain. Nos laboratoires ont besoin de visibilité dans le temps, au-delà des échéances électorales, qui rythment cet hémicycle, et des fluctuations de majorité. Je suis heureux que la loi de programmation lui donne enfin ce souffle et les moyens associés, aux côtés du plan de relance, du programme d'investissements d'avenir, des programmes européens et des contrats de plan État-région.

Le projet de loi tend à apporter à la fois une vision, que le rapport annexé explicite avec conviction, des moyens financiers et des améliorations sur l'ensemble des points de blocage identifiés. Même si elle peut apparaître modeste, la levée des goulots d'étranglement n'en sera pas moins décisive à moyen et long termes. Ces mesures de simplification sont comprises dans les titres IV et V, dont je suis rapporteur.

Le titre IV du projet de loi s'efforce d'abord d'améliorer les relations entre le monde de la recherche et l'ensemble de la société, notamment le monde de l'entreprise. Je sais combien, notamment dans la recherche en santé, domaine dans lequel je peux avoir quelques compétences et qui m'est cher, cet enjeu est crucial pour que le travail de nos chercheurs se traduise en bien-être pour nos patients.

L'article 13 élargit ainsi les possibilités ouvertes aux agents publics de participer à la vie d'une entreprise, voire d'en créer une, lorsqu'il s'agit de valoriser des travaux de recherche.

L'article 14 permet aux chercheurs et enseignants-chercheurs de se partager plus facilement entre une activité d'enseignement, une activité de recherche et un emploi à temps partiel dans une entreprise, grâce à l'assouplissement du régime de cumul d'activités à temps partiel et de mise à disposition.

L'article 15 prévoit notamment que les organismes de recherche, à l'instar des établissements d'enseignement, puissent créer des dispositifs d'intéressement susceptibles d'impliquer davantage encore les chercheurs, sur le plan financier, dans les résultats et les applications de leur recherche.

Notre travail en commission s'est inscrit dans cette démarche de fluidification des échanges entre le milieu de la recherche et la sphère privée, en consacrant notamment non plus seulement la notion de relations, mais celle d'interactions entre eux. Il a également ouvert la possibilité de créer ou de participer à une entreprise, et de valoriser ses recherches, y compris pour les agents de la fonction publique hospitalière. Il a inclus les contrats conclus avec les collectivités territoriales au nombre des situations de valorisation. Il a autorisé les personnels de la recherche à participer à une entreprise existante en qualité d'associé ou de dirigeant. Il a permis à un salarié du privé de bénéficier, sans rompre son contrat de travail, d'une autorisation d'absence d'une durée maximale d'un an, pour enseigner ou participer à une activité de recherche dans un établissement d'enseignement supérieur. Autant de mesures qui favoriseront les échanges entre le monde de la recherche et l'ensemble de la société et de l'économie, au plus grand bénéfice de tous, je l'espère, et tout d'abord à celui des chercheurs. Il s'agit également d'accélérer la connaissance réciproque de ces acteurs.

Le dernier titre du projet de loi contient diverses mesures de simplification et de réorganisation. En voici quelques exemples.

L'article 19 remplace par un simple régime de déclaration préalable le régime actuel d'autorisation auquel sont soumis les agents publics lorsqu'ils veulent exercer une activité accessoire qui relève de leurs missions statutaires. Je suis favorable à cette mesure, même s'il me semble que ce cumul doit garder des proportions raisonnables. Faut-il pour cela lui imposer un plafond dans la loi ? Ou bien celle-ci doit-elle prescrire à leur organisme de rattachement d'en fixer un ? La première solution présente l'inconvénient d'aligner au cordeau des situations très diverses, quand la seconde pourrait créer des inégalités entre chercheurs selon leur établissement d'origine. Après réflexion, j'ai préféré en rester à un appel à la sagesse.

L'article 20 bis, que j'ai introduit par voie d'amendement, autorise les autorités compétentes à adapter, en cas d'urgence, la nature, le nombre, le contenu, le coefficient et les conditions des organisations des épreuves d'examen, qui pourront notamment s'effectuer d'une manière dématérialisée. Il tire ainsi les conséquences de la crise sanitaire du covid-19, en pérennisant, en cas de force majeure, l'autorisation donnée aux autorités compétentes de prendre toute mesure d'adaptation des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur.

L'article 22 prévoit une révision des règles d'ouverture et de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur privés « dans le sens d'un renforcement du contrôle des conditions exigées des personnels de direction et de d'enseignement et de lutte contre les fraudes et les atteintes à l'ordre public ». Sont notamment visés les établissements d'enseignement supérieur privés susceptibles d'obéir à une approche communautariste voire sectaire. Il ne faudrait cependant pas que les autres établissements en pâtissent.

Enfin, l'article 24 crée, auprès de chaque centre hospitalier universitaire, un comité territorial de la recherche en santé, où seront représentés les universités, les autres établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les organismes de recherche, les collectivités territoriales et, pourquoi pas, les représentants des industriels du secteur. Les pôles de compétitivité doivent y avoir toute leur place. La coordination en serait assurée par le CHU et l'université.

Le titre V, avec ses atours de liste à la Prévert, a pour fil rouge de lever diverses barrières, afin de simplifier, fluidifier et encore mieux coordonner. Il complète ainsi utilement les titres qui le précèdent et donne une impulsion en matière d'effort budgétaire, de ressources humaines, de financement, d'organisation et d'ouverture sur l'économie et la société.

Avec ce projet de loi, la politique publique de la recherche se dote d'un cap et d'une feuille de route concrète au service de notre communauté scientifique et de notre avenir commun. Comment ne pas s'en réjouir ?

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