Intervention de Fannette Charvier

Séance en hémicycle du lundi 21 septembre 2020 à 16h00
Programmation de la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFannette Charvier :

En l'an 2000, les responsables européens ont adopté une stratégie dite de Lisbonne, visant à doter l'Union européenne de l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Cette stratégie, qui s'est soldée par un échec, prévoyait notamment que chaque pays affecte au budget de la recherche 3 % de son PIB, là où la France n'y consacrait alors que 2,16 %. La stratégie Europe 2020 lui a succédé, reprenant le même objectif en matière de budget de recherche et obtenant également des résultats peu satisfaisants.

Si, au sein de cet hémicycle, nous ne partageons pas tous le même enthousiasme vis-à-vis de ce projet de loi, nous pouvons au moins nous accorder sur un constat. La France a pris, il y a vingt ans, des engagements qu'aucun des gouvernements qui se sont ensuite succédé n'a respectés. La pression internationale est de plus en plus forte, la France stagne toujours autour des 2,2 % et la recherche française est en train de décrocher.

L'engagement du Président de la République, du Gouvernement et de notre majorité est clair : redonner des moyens, du temps et de la visibilité à la recherche. Une recherche forte, c'est un élément essentiel pour la garantie de notre souveraineté.

Pour cela, il faut d'abord lui redonner des moyens. L'objectif principal de cette loi est de réinjecter 25 milliards d'euros dans la recherche sur dix ans, faisant ainsi passer le budget de la recherche de 15 à 20 milliards d'euros par an d'ici 2030 – sans prendre en compte les financements annoncés dans le cadre du plan de relance, qui permettront d'apporter une vraie impulsion à cette programmation budgétaire.

Nous avons besoin de financer la recherche sur appels à projets, car nous devons être capables de mobiliser la recherche sur des sujets précis à des moments précis – la crise pandémique que nous connaissons actuellement en est un exemple criant. Nous avons également besoin de financer la recherche de base, et d'investir dans les sciences fondamentales qui nous permettent d'augmenter notre savoir et nos connaissances sur le monde. C'est un bien public, c'est aussi le terreau qui va permettre l'émergence de découvertes essentielles et de technologies de rupture. Cette recherche fondamentale est aujourd'hui essentiellement menée par l'ensemble des établissements de recherche publics et des universités. C'est le devoir de l'État de la maintenir, ce qu'il fera grâce à l'augmentation des crédits de base et au préciput mis en place dans le cadre des appels à projets.

Ce sont aussi des moyens humains qui doivent être redonnés à la recherche, avec l'objectif de recruter plus et surtout mieux. Au-delà de la création de 5 200 emplois scientifiques sous plafond d'État sur dix ans, ce sont près de 15 000 postes contractuels qui vont être créés dans les établissements publics de recherche. On va également recruter mieux, avec un mouvement sans précédent de revalorisation salariale au bénéfice de l'ensemble des personnels – plus de 650 millions d'euros – et la promesse que, dès l'année prochaine, plus aucun chargé de recherche ou maître de conférences ne sera rémunéré en dessous de deux SMIC. Ce projet de loi crée aussi deux nouveaux outils de recrutement à disposition des établissements et des organismes, venant s'ajouter aux recrutements classiques : il s'agit de la chaire de professeur junior et du CDI de mission scientifique, qui permettront respectivement d'accroître notre attractivité et de sécuriser des emplois d'ingénieurs et de techniciens.

Redonner du temps, c'est avoir une perspective sur le long terme, afin d'assurer aux équipes de recherche des niveaux de crédits et la présence de personnel sur un temps long, correspondant davantage au temps de la recherche qu'à celui d'un exercice budgétaire. C'est doubler le taux de financement des projets déposés auprès de l'ANR, afin que le temps consacré par les équipes à la constitution de leurs dossiers ne le soit plus en vain. C'est coordonner et apporter de la souplesse aux évaluations afin de moins solliciter les équipes. C'est aussi déployer des mesures destinées à simplifier le quotidien des chercheurs.

Il faut, enfin, redonner de la visibilité à la recherche. Rarement a-t-on vu autant de scientifiques dans l'espace médiatique, rarement les chercheurs ont-ils autant eu l'attention de la classe politique, des journalistes et de la population que durant la période que nous traversons. Pourtant, cela a aussi révélé une grande méconnaissance des principes de base du débat scientifique et, plus généralement, un certain manque de culture scientifique chez nombre de nos concitoyens. La mutation d'une question purement scientifique et médicale en une querelle idéologique, où chacun croit bon d'avoir un avis et de prendre parti sans pour autant posséder les connaissances nécessaires pour le faire, doit nous interpeller, voire nous inquiéter.

Plus largement, c'est la notion même de vérité et d'objectivité qui est mise en danger par cette culture de la post-vérité, de la fausse nouvelle et des théories du complot. Trop souvent, les faits ont moins d'influence que les appels aux avis personnels pour modeler l'opinion publique. Pour combattre ces fléaux, les meilleurs remèdes restent l'éducation et la communication sur la science. Ce projet de loi doit contribuer à infuser la culture scientifique et à rapprocher les chercheurs et leur travail du reste de la société – des citoyens aux responsables politiques que nous sommes, des associations aux entreprises en passant par les médias. Notre pays a besoin de rationalité, il a besoin de la science et de ses chercheurs, il a besoin qu'on y consacre des moyens, et c'est ce que nous faisons.

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