Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du lundi 28 septembre 2020 à 16h00
Accélération et simplification de l'action publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Après les échanges d'amabilités générales, entrons un peu plus dans le détail du texte. Je ne pourrai, bien entendu, en disséquer tous les articles, car il faudrait bien deux ou trois heures, mais je m'arrêterai à quelques éléments qui tiennent particulièrement à coeur au groupe La France insoumise et à moi-même.

Je commencerai par les questions de sécurité et de justice, qui sont les premières que nous rencontrerons dans le texte. Sur ces questions, la discussion qui a eu lieu en commission a été très intéressante. Mon groupe et moi-même sommes en effet partisans du maintien de commissions qui, selon vous, ne servent à rien – je pense notamment au suivi de la détention provisoire.

Mme la ministre ici présente nous a rétorqué que le ministère de la justice suivait déjà la détention provisoire, sans oublier le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui s'en occuperait également. Or, d'une part, le ministère s'en occupe assez peu, puisque voilà trois ans que je demande, en vain, un tel suivi – je suis incapable de vous donner des éléments sur le sujet – et, d'autre part, ce suivi n'entre pas dans la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Quant à l'Observatoire de la récidive et de la désistance, il a tenu son assemblée générale il y a moins d'un an à l'Assemblée nationale : j'y ai passé la journée. Or cet observatoire très intéressant ne coûte pas 1 euro à la collectivité : il réunit bénévolement des professionnels du ministère de la justice et des chercheurs, ce qui témoigne de l'implication des agents publics et de tous ceux qui sont habités par le sens du service public et de l'intérêt général. Je le répète : cet observatoire ne coûte pas 1 euro et vous le supprimez en arguant qu'il ne servirait à rien, alors qu'en France peu de travaux sont réalisés sur la désistance et la prévention de la récidive. Je tiens à saluer le rapport du CESE – Conseil économique, social et environnemental – sur la prévention de la récidive, dont l'exécutif n'a rien fait.

La sécurité est votre bataille du moment : vous avez même annoncé que vous publieriez chaque mois les chiffres de l'insécurité. Comment ferez-vous en supprimant l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice – INHESJ– et l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales – ONDRP ? Vous allez tout internaliser au sein du ministère de l'intérieur ! Cela vous permettra de livrer des chiffres qui, devenus les vôtres, ne seront plus des chiffres validés au plan scientifique, permettant de conduire une politique d'intérêt général.

Ces simplifications cachent, en fait, votre volonté de ne pas donner à voir ce qui vous déplaira et de simplifier ce qui vous semble ennuyeux comme, par exemple, la résistance des fonctionnaires de l'Office national des forêts qui vous tiennent tête, parce qu'ils sont en désaccord avec la gestion mercantile du patrimoine que représentent les forêts domaniales, sans compter votre gestion calamiteuse de la forêt privée, laquelle répond, elle aussi, à un enjeu d'intérêt général, inscrit dans le code forestier.

En bons libéraux dogmatiques, qui ne réfléchissent pas, vous assénez que les contrats valent mieux que tout le reste et vous déroulez ce credo – que vous avez inscrit dans la loi de transformation de la fonction publique – matin, midi et soir, sans vous demander ce qui a bien pu faire la force de notre pays pendant la pandémie à laquelle nous avons dû faire face, si ce n'est pas le sens de l'intérêt général et du service public, animé par des milliers de femmes et d'hommes.

Vous vous dites que, quitte à simplifier, autant y aller franco ! C'est pourquoi vous ajoutez, en cours de route, des mesures auxquelles Transparency international France et Anticor nous invitent à nous opposer – peut-être avez-vous lu leurs excellents articles : des mesures allégeant les normes des marchés publics et créant, par exemple, des difficultés nouvelles d'accès à la CADA – Commission d'accès aux documents administratifs – , alors que l'accès aux documents administratifs est déjà suffisamment complexe. Les règles du code de la commande publique ne sont pas si dures que vous le prétendez ! Du reste, la réforme qui a touché ce code n'est pas si ancienne. Pourquoi rajouter une énième clause d'intérêt général non définie, sinon afin de ne pas respecter les règles des marchés publics ? Voilà un étrange mode de simplification, qui ne fera que profiter toujours aux mêmes.

Quant à la visioconférence dans le cadre judiciaire, un grand nombre d'éléments du texte figuraient déjà dans des ordonnances que nous n'avons pas ratifiées : elles le seront par petits bouts dans le cadre de ce texte. Vous avez introduit en commission, l'air de rien, la visioconférence pour les personnes détenues ou en passe d'être détenues. Pour la personne concernée, avoir physiquement accès au juge qui la placera sous écrou est un droit fondamental : or une simplification aussi rapide de la procédure ne vous paraît faire aucune difficulté. C'est pourquoi je m'interroge sur votre conception des libertés fondamentales et, plus globalement, sur votre conception de l'État : oui, je le répète, vous n'aimez pas l'État.

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