Intervention de Émilie Cariou

Séance en hémicycle du lundi 28 septembre 2020 à 16h00
Accélération et simplification de l'action publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou :

Nous débutons aujourd'hui la première lecture, en séance, du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique. Son objectif est ambitieux : rendre l'administration plus simple et plus proche des Français, tout en modernisant certaines démarches. Tout le monde ne peut qu'adhérer à cette finalité, tant le mille-feuille français, produit d'un État de droit qui s'est construit au fil des siècles en s'appuyant sur une solide administration mais aussi sur une réglementation minutieuse, apparaît à bon nombre de nos concitoyens, mais aussi de nos entrepreneurs, comme une machine à immobilisme et complexité.

Cependant le projet de texte que le Gouvernement nous présente manque en grande partie sa cible. En premier lieu, il propose la suppression de plusieurs commissions et organismes jugés inutiles. Pourtant, il me semble que l'exécutif a eu la main un peu lourde, par exemple en traitant de la même manière la Commission consultative paritaire nationale des baux ruraux et la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Madame la ministre, madame la ministre déléguée, comment peut-on envisager la suppression de cette commission, alors que votre objectif est le démantèlement de quatorze réacteurs dans les années à venir ? Dans sa grande sagesse, le Sénat avait modifié l'article qui tendait à sa suppression, mais celui-ci a été rétabli dans sa version initiale en commission. Vous m'en voyez très étonnée, tant les prévisions financières des coûts de démantèlement et de gestion des déchets, et leur soutenabilité, sont un élément clé – ne serait-ce que pour assurer la sûreté nucléaire. Nous proposerons donc un amendement afin de supprimer de nouveau votre projet en la matière.

Concernant les suppressions de commissions, je vous avoue que je reste perplexe s'agissant de la suppression, par un amendement parlementaire expéditif adopté avec l'approbation du Gouvernement, de la Commission supérieure du numérique et des postes, actuellement composée de députés, de sénateurs et de personnalités qualifiées. Alors que le Premier ministre répète à l'envi qu'il faut travailler pour les territoires, et en plein débat au sujet de la 5G, la majorité supprime, l'air de rien et sous prétexte de simplification, une instance parlementaire de contrôle ! C'est bien évidemment inacceptable et nous proposerons la suppression de cet article introduit par amendement.

De même, vous prévoyez plusieurs fusions d'organismes. L'article 15, en particulier, fusionne cinq institutions nationales de négociation sociale en une seule, dénommée Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. Les travaux de la commission spéciale ont permis de sortir de cette opération de fusion le Haut Conseil du dialogue social – je vous en remercie, monsieur le rapporteur ! Si nous nous en réjouissons, il faudra également revenir sur les autres fusions, ce que nous vous proposerons.

En effet, après l'affaiblissement du code du travail par assouplissements successifs et l'abaissement de la réglementation aux accords de branche ou d'entreprise, il nous semble absolument fondamental de conserver des instances de concertation et de négociation. La modernité sociale doit avant tout être gage d'amélioration du dialogue social, et ne saurait se traduire uniquement par un affaiblissement des droits des salariés, sous peine de faire disparaître l'équilibre entre libérer et protéger.

Par ailleurs, certains articles du texte, qui préfigurent une importante régression sur le plan de l'évaluation environnementale, nous inquiètent grandement. Ainsi, les dispositifs prévus par le texte réduisent considérablement la place laissée aux études d'impact, aux procédures propres aux installations classées et à l'information du public en amont des projets. En commission, nous avons longuement discuté des articles du titre III – Mme Pannier-Runacher était alors présente. Je répète donc, madame la ministre déléguée, qu'en matière de droit de l'environnement, lorsque les problèmes apparaissent, il est souvent déjà trop tard !

L'expérience du terrain nous apprend que les dégâts environnementaux sont très difficiles à faire reconnaître et à estimer, les responsables difficiles à identifier et les dommages difficiles à faire indemniser. C'est pourquoi les autorisations préalables sont la seule bonne solution à appliquer pour prévenir des dégâts sur l'environnement, souvent définitifs. Madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, oui, nous souhaitons relocaliser l'activité industrielle en France !

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