Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Les soignants sont en veillée d'armes, et nous le sommes avec eux. Ici dans le Sud-Est, là en Guadeloupe, de part et d'autre du territoire, les indicateurs nous préoccupent et appellent chacun à la plus grande vigilance. Il y a quelques mois, le monde entier a découvert ce qu'était ce virus. Des mesures historiques ont été prises – et le confinement de tout un pays ne se décide pas, croyez-le bien, de gaîté de coeur, pas plus qu'on ne prend un quelconque plaisir à restreindre les libertés fondamentales.

Nous voilà à un moment crucial de la gestion de la crise : le moment où on sait si on a, ou non, tiré les enseignements de la première vague qui a déferlé sur tout le pays sans crier gare, avec une violence inouïe ; le moment où l'esprit de responsabilité fait face à la lassitude. C'est bien maintenant qu'il faut tenir.

En faire trop ou ne pas en faire assez, telle n'est pas la question ; si chacun a un avis – et si beaucoup l'étalent – , le virus se moque bien des polémiques, des susceptibilités et des états d'âme. Anéantir ce virus, protéger nos concitoyens, faire de notre mieux, ensemble, pour éviter le pire, tel est notre devoir. Depuis que j'ai été nommé ministre, c'est ma priorité et le coeur de mon agenda.

Je l'ai dit ces derniers jours à plusieurs reprises : les indicateurs de suivi épidémiologique ne sont pas bons dans de nombreux territoires. Ils rappellent à ceux qui l'auraient oublié que cette épidémie n'est pas derrière nous, et que le virus circule encore, parfois de manière très active. Entre le début du mois de juillet et la fin du mois d'août, le nombre d'hospitalisations liées au coronavirus et le nombre de personnes en réanimation à cause du virus ont plus que doublé.

La loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire a instauré un régime transitoire, applicable jusqu'au 30 octobre. Ce changement de régime juridique a permis de poursuivre la reprise des activités et le rétablissement du droit commun, tout en conservant la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir, et, le cas échéant, à maîtriser au mieux une dégradation de la situation sanitaire.

Je ne serai pas le ministre du déni : le virus est toujours présent, et, surtout, des Français meurent chaque jour de ce virus. Ces derniers mois m'ont convaincu d'une chose : je ne veux pas entendre, dans les semaines qui viennent, des phrases comme « on savait que cela allait arriver » ou « on voyait la reprise venir ». Nous nous serions bien passés de ce texte, mais la situation est telle que nous nous devons faire preuve de courage, de responsabilité, et restreindre certaines des libertés auxquelles nous sommes toutes et tous profondément attachés. Le régime transitoire adopté par le Parlement au mois de juillet a permis de répondre efficacement à l'inversion de la courbe de l'épidémie. Le Gouvernement a ainsi pu prendre des mesures garantissant un niveau élevé de protection de la santé des Français et qui, complétées par des actions territoriales, ont permis de limiter la reprise de l'épidémie, malgré les risques liés aux congés d'été.

Néanmoins, et nous le voyons déjà, la reprise généralisée des activités amplifie la recrudescence des cas d'infection au covid-19, et cela se poursuivra dans les prochaines semaines. Dans ces conditions, une interruption soudaine des mesures sanitaires au 30 octobre ferait courir le risque de laisser se reproduire la catastrophe sanitaire que nous avons connue en mars dernier, et qui nous a contraints à instituer l'état d'urgence sanitaire. Le Gouvernement estime indispensable de conserver, dans les prochains mois, des facultés d'intervention suffisantes pour assurer la continuité de la gestion de crise et prévenir une dégradation de la situation. Dans son avis du 12 septembre, et au regard de l'évolution actuelle et prévisible de l'épidémie au cours des prochains mois, le Conseil scientifique a également jugé indispensable de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er avril 2021, comme le propose le présent texte.

À cette fin, le projet de loi prévoit de proroger la période de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er avril 2021. Lors de l'examen en commission, plusieurs parlementaires ont jugé cette date trop lointaine ; ils ont d'ailleurs déposé des amendements de suppression en séance. Nous avons eu ce débat lors de l'examen du précédent texte : convenait-il de prendre des mesures pour un mois, trois mois ou six mois ? Un équilibre avait été trouvé avec les parlementaires, mais me voici à nouveau devant vous, puisque cet équilibre, hélas, est percuté par la réalité : le virus à couronne recommence à circuler.

Comme je l'ai dit lors de mon audition devant la commission, la date que nous avons choisie est cohérente avec la clause de caducité que le législateur a prévue, de sa propre initiative, pour le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire. Cette échéance doit permettre de consacrer les réflexions et le temps parlementaire à l'élaboration d'un dispositif pérenne de gestion de l'urgence sanitaire, plutôt qu'à des rendez-vous intermédiaires de prorogation de mesures transitoires que l'on sait déjà nécessaires. Le Parlement sera saisi, d'ici janvier, d'un projet de loi à cet effet. Le dispositif transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire sera applicable sur l'ensemble du territoire national jusqu'à l'adoption de ce nouveau régime.

Le Conseil scientifique a souligné le rôle déterminant des systèmes d'information pour suivre et gérer efficacement la crise sanitaire. C'est pour cette raison que l'article 2 proroge les systèmes d'information créés pour lutter contre l'épidémie. Ces outils permettent de repérer les cas contacts, de les accompagner, de leur prodiguer des conseils adaptés à leur situation, d'effectuer un suivi épidémiologique et de conduire des travaux de recherche sur le virus. Par conséquent, il est indispensable que la durée d'application de ces systèmes dédiés à l'épidémie courre jusqu'à la sortie de l'état d'urgence, le 1er avril 2021. L'article 2 permet également de prolonger, pour la même durée, la conservation de certaines données « pseudonymisées » – nous en avons débattu ici même – , collectées dans ces systèmes, aux seules fins, je le répète, de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus, sans aucune donnée nominative. Nous redoutons toutes et tous, depuis la rentrée, de revivre ce que nous avons vécu durant les mois qui ont précédé l'été. Aussi, nous ne pouvons pas tout à la fois craindre une aggravation de la situation et nous priver d'un outil efficace, qui permet de bloquer les chaînes de transmission et de garder le contrôle.

L'audition et les travaux menés en commission la semaine dernière ont été riches. Ils ont permis d'éclaircir certains points concernant la situation sanitaire, mais également d'anticiper, à l'initiative de la présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, la possibilité de déroger aux règles de publicité des réunions des assemblées délibérantes locales, afin de respecter les règles sanitaires. L'examen en séance doit néanmoins permettre d'affiner la rédaction du texte s'agissant de la réglementation de l'ouverture au public des établissements recevant du public et des lieux de réunion. En effet, le nombre élevé de personnes accueillies nécessite de prendre en considération la situation sanitaire générale – je pense en particulier aux phénomènes de brassage que les grands événements, notamment sportifs, peuvent entraîner, dès lors qu'ils attirent un public provenant de plusieurs territoires. Il est donc nécessaire de conserver la possibilité de définir des plafonds en valeur absolue, indépendamment de la capacité d'accueil.

Ce virus, qui met à mal notre quotidien, nécessite également de prendre des mesures en continu et de mieux adapter notre réponse pour freiner l'épidémie. C'est le sens des amendements qu'a déposés le Gouvernement avant la séance pour intégrer certaines innovations en matière de tests et d'examens – je pense notamment aux tests antigéniques – afin d'élargir le périmètre des tests et examens recevables dans le cadre d'un déplacement aérien et de pouvoir, lorsque les conditions seront réunies pour les déployer – très bientôt – , remédier ainsi aux délais constatés en certains points du territoire pour l'obtention du résultat des examens dits « RT-PCR », parfois incompatibles avec l'exigence d'un test réalisé moins de soixante-douze heures avant de prendre l'avion. Sur ce dernier point, j'ai en tête les interpellations légitimes de certains parlementaires des territoires ultramarins.

Nous souhaitons également permettre à de nouveaux professionnels de santé, tels les pharmaciens, de renseigner les systèmes d'information mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie, afin de fluidifier la remontée des résultats et l'efficacité de notre dispositif de tracing, qui est plus que jamais la clé de voûte de la stratégie de lutte contre l'épidémie.

Mesdames et messieurs les députés, je sais que ce texte ne suscite pas l'enthousiasme – ni le vôtre, ni le mien – , et ce n'est pas sa vocation. Son but, notre but, c'est de protéger les Français, c'est pourquoi il nous est clairement indispensable. Je vous remercie pour votre confiance.

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