Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Je m'exprime au nom du groupe Agir ensemble, majoritairement – mais pas unanimement – favorable au présent projet de loi visant à proroger le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire. En d'autres termes, nous allons proroger un régime transitoire de sortie d'un régime d'exception… Voilà qui interpelle, qui peut déstabiliser et qui, en tout état de cause, divise. Mais, depuis le mois de mars 2020, nous faisons face à une épreuve inédite qui met au défi, concomitamment, notre santé publique d'un côté et nos libertés fondamentales de l'autre. La question est essentielle et anime toutes nos conversations dans les rues, dans les familles, dans les commerces, entre nous et partout : que devons-nous faire primer ? La liberté sans limites, ce qui nuirait aux plus âgés et aux plus précaires, ou la sécurité tous azimuts ? Mais dans le second cas, l'arrêt de l'économie mettrait en péril la société et la prospérité précaire qu'elle était en train de retrouver…

Une privation de liberté ou, plus exactement, une restriction de liberté trop durable provoquerait des réactions hostiles : à quoi bon être en bonne santé si l'on ne vit pas dans un pays libre ? Il nous faut y réfléchir car, à un moment donné, qui ne tardera peut-être plus, les privations de liberté ou les privations en général apparaîtront plus coûteuses que les bénéfices qu'on en tire et le processus deviendra contre-productif.

Aux yeux du groupe Agir ensemble, ou en tout cas de la majorité de ses membres, même s'il est inconfortable pour tous – et il l'est pour moi en premier lieu – , ce projet de loi n'en est pas moins indispensable. Il est normal qu'il inquiète une population soumise à une rude épreuve : des libertés restreintes à certains égards, des modes de vie parfois profondément affectés… Il est donc essentiel que sa raison d'être soit bien comprise et que son assise juridique soit sécurisée et renforcée. Ce texte est, pour nous, globalement indispensable car juridiquement incontournable, d'abord parce que l'urgence est toujours là.

Face à une pandémie qui divise la communauté scientifique, le pouvoir doit être en mesure d'arbitrer, il doit être en mesure de décider, il doit avoir la faculté de faire. Il est des moments où il n'est plus question de débattre. Il faut agir au plus près ; c'est pourquoi les pouvoirs ont été largement transférés au binôme préfet-maire.

Ce dispositif est utile parce qu'il est d'une nécessité cruciale pour nos concitoyens et pour nous-mêmes – en particulier, bien sûr, pour les personnes porteuses du virus et pour les plus précaires, mais également pour ceux qui, faut-il le rappeler, pourraient, un jour prochain, avoir besoin d'un lit en réanimation qu'ils n'auront pas si l'épidémie reprend avec l'ampleur annoncée.

Pourtant, le dispositif inquiète légitimement nos compatriotes, d'abord parce qu'il est compliqué – convenons-en. Il est territorialisé, toutes les règles n'étant pas les mêmes partout, ce qui le rend difficilement intelligible. Ensuite, les mesures prises sont restrictives et donc souvent mal vécues par les personnes concernées. Les contreparties économiques sont parfois mal comprises – je pense aux aides et aux soutiens. Plus la période durera, plus le sentiment d'inconfort s'aggravera.

Reste que c'est notre responsabilité collective de ne pas alimenter des polémiques stériles. L'heure est sérieuse, elle est même grave, et les parlementaires que nous sommes doivent se concentrer sur leurs responsabilités vis-à-vis de la nation. Il nous faut ramener le débat sur le terrain juridique et parlementaire. Nous nous inquiétions précisément de l'absence de garde-fou, mais il y a des garde-fous : le Conseil constitutionnel a été saisi et a émis des réserves ; le Conseil d'État, à plusieurs reprises, a annulé des dispositifs dont il considérait qu'ils n'étaient pas proportionnés.

Toutefois, l'inquiétude est grande et légitime. Il convient donc de borner au mieux le processus mis en place. Une clause de revoyure est prévue pour janvier 2021 ; le groupe Agir ensemble veillera scrupuleusement à ce que le dispositif législatif projeté soit mis à l'ordre du jour, malgré un agenda déjà considérablement chargé. Il y aura alors de fortes chances que le Conseil constitutionnel exerce le contrôle de constitutionnalité que nous appelons de nos voeux. Nous nous réjouissons en outre de la mission d'information prévue et annoncée par la présidente de la commission des lois.

Au groupe Agir ensemble, nous considérons majoritairement que l'essentiel de notre mission consiste à faire sortir l'état d'urgence sanitaire de la catégorie d'objet juridique non identifié, à laquelle il appartient encore, pour le faire entrer, dans un avenir relativement proche, dans le cadre de dispositifs que nous serons peut-être amenés à reconduire si les épidémies devaient se reproduire. Le Parlement a tout son rôle à jouer dans cette dynamique-là, au prisme d'un cadre juridique à construire qui soit contraignant et d'un contrôle rigoureux. Le groupe Agir ensemble, riche de sa diversité, y veillera avec soin et, cette fois, à l'unanimité.

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