Intervention de Franck Riester

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 21h30
Restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Présentation

Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité :

Je vous prie d'excuser Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, qui, comme vous le savez, est cas contact et donc confinée. C'est donc à moi que reviennent le plaisir et l'honneur de vous présenter ce texte, que j'ai eu l'occasion de préparer dans mes fonctions précédentes.

En novembre 2017, lors du discours qu'il a prononcé à Ouagadougou, le Président de la République a exprimé sa volonté que puissent être réunies les conditions pour procéder à des restitutions de biens culturels africains, dans le cadre d'un partenariat approfondi entre la France et les pays du continent africain.

Le présent projet de loi marque l'aboutissement du long et significatif travail qui a été engagé depuis lors. Il s'agit d'un texte d'importance, qui incarne une nouvelle ambition dans nos relations culturelles avec le continent africain.

Il n'est pas un acte de repentance ou de réparation. Il doit permettre d'ouvrir un nouveau chapitre du lien culturel entre la France et l'Afrique, fondé sur de nouvelles formes de coopération et de circulation des oeuvres.

Le projet de restitution de vingt-six oeuvres issues du trésor de Béhanzin à la République du Bénin et du sabre attribué à El Hadj Omar Tall à la République du Sénégal s'inscrit dans le cadre d'une politique de coopération culturelle déjà engagée avec ces deux pays.

Ce projet de loi prend également place dans un contexte général de réflexion sur le rôle et les missions des musées en Europe et dans le monde. Le rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy remis au Président de la République en 2018 a permis des échanges passionnants sur l'histoire des collections, notamment issues du continent africain, et sur la nécessité de mieux expliquer leur provenance au public.

La restitution par un État à un autre État de biens culturels, ou plus généralement d'objets, n'a rien d'inédit. Parmi les restitutions les plus récentes figurent notamment celle de vingt et une têtes maories à la Nouvelle-Zélande, par une loi votée en 2010 à l'initiative de Catherine Morin-Desaillly, et celle de trente-deux plaques d'or à la Chine, en application de la convention de l'UNESCO de 1970 pour la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, ratifiée par la France en 1997.

Mais, concernant le continent africain, l'acte de restitution que nous nous apprêtons à accomplir marque une étape décisive par sa portée symbolique et historique. Les oeuvres et les objets que nous souhaitons restituer aux deux pays qui en ont fait la demande présentent un caractère tout à fait exceptionnel : exceptionnel par les circonstances violentes qui ont conduit à leur appropriation, notamment comme butins de guerre, exceptionnel car ils incarnent le génie de leurs créateurs, bien entendu, mais aussi parce que l'histoire a fait d'eux des symboles d'une culture, d'un peuple.

Devenus de véritables lieux de mémoire, ils sont dotés d'une valeur unique pour toutes celles et tous ceux qui leur accordent, au-delà de leur intérêt esthétique, une forte signification symbolique.

Le sabre et le fourreau attribués à El Hadj Omar Tall incarnent l'aventure exceptionnelle qu'a été la fondation et l'extension de l'empire toucouleur par ce chef militaire et religieux, qui s'est finalement heurté aux forces françaises. Donnés au musée de l'Armée il y a plus d'un siècle par le général Louis Archinard, ils sont actuellement exposés au musée des civilisations noires de Dakar dans le cadre d'une convention de prêt de longue durée. Ils furent remis par Édouard Philippe, alors Premier ministre, lors d'un de ses déplacements au Sénégal.

Quant aux oeuvres remarquables rassemblées dans le trésor des rois d'Abomey, elles incarnaient la continuité et la grandeur de cette dynastie pluriséculaire quand elles ont été saisies en 1892 par le Général Dodds lors des combats opposant le roi Béhanzin aux troupes françaises.

La perte de ce trésor royal est ainsi progressivement devenue, pour le peuple béninois, le symbole d'une indépendance perdue. Conservées par différents musées français, puis, à partir de sa création en 1999, par le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, ces oeuvres ont ainsi suscité une émotion considérable lorsqu'elles ont été présentées en 2006 sur le sol béninois dans le cadre d'une exposition temporaire. C'est pourquoi la République du Bénin a, en 2016, demandé à la République française de lui restituer les vingt-six oeuvres du trésor royal d'Abomey.

En restituant ces objets d'exception au Bénin et au Sénégal, nous contribuerons donc à donner à la jeunesse africaine…

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