Intervention de Pierre-Yves Bournazel

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 21h30
Restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Bournazel :

Permettez-moi un propos liminaire. Je veux d'abord avoir une pensée pour Roselyne Bachelot, ministre de la culture, qui ne peut malheureusement être là ce soir. Nous avons examiné ce projet de loi avec elle en commission, et nous savons qu'elle y est attachée. J'ai également une pensée pour la présidente de la commission des affaires étrangères, notre collègue et amie Marielle de Sarnez ; je lui souhaite aussi un prompt rétablissement. Enfin, je remercie le ministre délégué Franck Riester, qui a travaillé de nombreux mois sur le sujet et était au Bénin, le 16 décembre 2019, pour renforcer la coopération culturelle.

Ce texte concrétise un engagement fort du Président de la République, formulé au Burkina-Faso en novembre 2017, devant les étudiants de l'université de Ouagadougou : restituer des oeuvres culturelles appartenant au patrimoine de l'Afrique. Il s'inscrit dans le cadre d'une refondation des relations avec nos partenaires africains. Aujourd'hui, 90 % du patrimoine africain se situe hors de son continent. Il convient donc d'offrir à la jeunesse africaine un accès à son propre patrimoine.

Le nouveau partenariat vise à mettre le droit en conformité avec une politique de restitution réfléchie. Dans cette perspective, le projet de loi tend à autoriser une dérogation limitée au principe essentiel d'inaliénabilité, applicable aux collections publiques françaises, afin de laisser sortir ces objets des collections nationales dans le cadre d'un transfert de propriété.

À la République du Bénin seront restituées les vingt-six oeuvres du trésor royal d'Abomey conservées par le musée du Quai Branly-Jacques Chirac à la suite de leur don aux collections nationales par le général Alfred Dodds.

À la République du Sénégal sera restitué un sabre, dit d'El Hadj Omar Tall, avec son fourreau. Il a été conservé par le musée de l'Armée, à la suite d'un don du général Louis Archinard.

Il s'agit bien de permettre aux peuples africains d'avoir plus facilement accès, chez eux, à leur art patrimonial, et de faire partager celui-ci à l'humanité. Cette démarche s'inscrit pleinement dans une forme nouvelle de coopération, fondée sur la coconstruction avec nos homologues africains. La coopération culturelle en est évidemment l'un des piliers. Elle prend forme au Bénin comme au Sénégal par la mise en forme de projets de coopération patrimoniale, avec l'appui d'agences françaises et un soutien à la politique muséale.

Le groupe Agir ensemble salue cette nouvelle impulsion, qui montre la volonté claire de la France d'établir une amitié renouvelée avec les pays d'Afrique.

L'annonce de ce projet de loi, dans la lignée du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, a suscité des débats parfois très vifs sur ce que devrait être la politique patrimoniale de la France. Je veux redire ici que ce projet de loi ne remet pas en cause la vocation universaliste des musées français, ni le principe d'inaliénabilité des collections nationales. Je souhaite rappeler l'excellence de ceux qui travaillent à la conservation des oeuvres.

Il ne s'agit pas de vider nos musées, mais il est nécessaire de prendre conscience des enjeux mémoriels et symboliques de la restitution d'oeuvres souvent acquises lors des guerres de colonisation. Acceptons les demandes légitimes de reconnexion avec un patrimoine ; c'est un droit des peuples africains. Ce qui importe ici, au-delà de la valeur historique et de la qualité intrinsèque des oeuvres, c'est bien le présent et la relation nouvelle que notre pays entend tisser avec l'Afrique.

Les restitutions d'objets culturels doivent en conséquence s'intégrer dans une coopération patrimoniale et muséale étendue. Les partenaires africains de la France, qui comptent de nombreux conservateurs formés en France, mesurent également la valeur universelle acquise par ces biens restitués et la nécessité de disposer des moyens d'assurer leur conservation optimale, notamment grâce à une génération de professionnels formés.

Ces restitutions ont aussi vocation à s'insérer dans la stratégie de développement économique et touristique de certains des pays que la France souhaite accompagner. L'évolution de notre relation patrimoniale avec de nombreux États africains s'inscrit dans un contexte plus global, où ceux-ci se tournent toujours davantage vers d'autres partenaires étrangers pour bénéficier de leur expertise ; je pense notamment à la Chine, qui a récemment construit au Sénégal l'emblématique Musée des civilisations noires.

Le groupe Agir ensemble soutient ce projet de loi, qui contribue pleinement au renforcement des relations diplomatiques et culturelles entre la France, le Bénin et le Sénégal.

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