Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Le débat ne vise pas à remettre en cause l'accès à l'IVG ; c'est désormais un droit acquis et je suis persuadée que tout le monde ici en est convaincu. Il a pour simple objectif d'améliorer les conditions d'accès à ce droit.

Je veux insister sur le remarquable travail effectué par la délégation aux droits des femmes, notamment par les rapporteures, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Leurs constats et leurs recommandations sont de précieux outils et un appui important pour éclairer la représentation nationale au moment de légiférer. Ce travail transpartisan nous a d'ailleurs permis d'enrichir la proposition de loi initiale lors de nos débats en commission.

Celle-ci a adopté le texte ; j'espère une issue similaire en séance publique. Nous avons tous conscience des difficultés qui empêchent le plein exercice du droit à l'IVG. Elles sont le fait de ceux qui s'y opposent volontairement, au nom de convictions personnelles ou politiques, et qui remettent en cause régulièrement le droit des femmes à disposer de leur corps. Elles sont aussi le fait d'un manque de moyens qui entraîne des retards dans les interventions et dans la prise en charge des femmes. L'IVG est un acte médical peu considéré et peu valorisé, y compris économiquement, pour les établissements.

À cela s'ajoutent des inégalités territoriales importantes, qui se superposent aux inégalités générales d'accès aux soins. Ces inégalités territoriales ont des conséquences sur les conditions d'accès à l'IVG, sur les délais d'obtention des rendez-vous, mais aussi sur la liberté du choix de la méthode par les femmes. Elles touchent toujours les femmes les plus vulnérables, qui envisagent parfois des solutions très dangereuses pour leur propre vie. Certaines sont obligées de parcourir de grandes distances pour trouver un médecin, avec le risque de dépasser le délai légal. Rappelons que chaque année, 3 000 à 5 000 femmes partent avorter à l'étranger, parce que leur délai de recours à l'IVG est dépassé, démarche dont le coût financier n'est pas négligeable. Un allongement du délai de recours résoudrait le problème de ces femmes dont les raisons sont très différentes : prise de conscience tardive, déni de grossesse ou prise en charge compliquée.

Au-delà de cette question, il faut lever les freins qui empêchent l'accès effectif à l'IVG. La suppression de la double clause de conscience, spécifique à l'IVG, est une première étape. Si elle s'expliquait par le contexte entourant la loi de 1975, le dispositif a été sensiblement assoupli depuis et elle ne se justifie plus. La clause de conscience dite générale demeure en l'état et garantit à l'ensemble du personnel de santé la possibilité de refuser de pratiquer une IVG.

L'extension de la compétence des IVG chirurgicales aux sages-femmes, adoptée en commission, est une deuxième étape. Elle est nécessaire, mais doit s'accompagner d'une formation et d'une revalorisation du statut de ces dernières.

Enfin, il convient, conformément aux recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de pérenniser l'allongement du délai de recours à l'IVG médicamenteuse en ville.

Tous ces constats doivent nous alerter sur le manque de moyens consacrés à la santé sexuelle des femmes. Les restrictions budgétaires et la logique de rentabilité financière ont entraîné la fermeture de nombreux centres pratiquant l'IVG ces dernières années.

L'avortement étant toujours un moment douloureux, il doit rester un dernier recours. Les campagnes de prévention et d'encouragement à la contraception doivent être plus nombreuses et mieux ciblées, aussi bien à l'égard des femmes que des hommes.

Dans plusieurs départements, le planning familial s'inquiète de la baisse des subventions qui lui sont allouées depuis quelques années, alors que les actions de prévention et d'accompagnement sont essentielles.

Chaque membre du groupe Libertés et territoires se prononcera individuellement sur ces questions qui relèvent de l'intime. Pour ma part, comme pour une majorité des députés du groupe, je voterai la proposition de loi et soutiendrai toutes les mesures renforçant le droit à l'avortement et améliorant le parcours des femmes, aujourd'hui encore difficile et douloureux.

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