Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Renforcement du droit à l'avortement — Après l'article 1er

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

J'ai un profond respect pour le travail de Simone Veil, qui a souvent été citée ici. Pour tout vous dire, quand elle a fait adopter la loi autorisant l'IVG, je n'étais pas né – j'étais même assez loin d'être né. Plonger dans les archives et les grimoires – sans faire honte à la mémoire de quiconque – permet de se remettre dans le contexte de l'époque, ce qui nous ramène à la question de la double clause de conscience.

L'IVG était une pratique courante, extrêmement dangereuse, pénalisée, criminalisée, qui entraînait la mort de nombreuses femmes – pensons à la méthode du cintre. Sa légalisation avait mobilisé très largement la représentation nationale dans l'hémicycle et les concepteurs du projet de loi avaient prévu, non pas des garde-fous, mais des mesures destinées à apaiser ceux qui pouvaient l'être et à rassurer ceux qui avaient besoin de l'être.

Deux notions ont été ainsi introduites.

Il s'agit tout d'abord de la double clause de conscience, sur laquelle vous aurez un débat cet après-midi, qui n'est que le rappel de la clause de conscience générale qui s'applique de toute façon pour tout acte médical, avortement ou pas – à l'instar du devoir d'information que vous avez adopté tout à l'heure, obligation éthique pour tout médecin qui existe déjà dans le droit.

Il s'agit ensuite de la notion de détresse, aujourd'hui totalement anachronique par rapport à la situation qui prévaut en France, en Europe et dans la plupart des pays du monde ayant légalisé l'avortement. Ne réintroduisez donc pas dans le droit cette notion déjà désuète il y a quarante-cinq ans. Cela n'a aucun sens. Cela ne correspond pas à la réalité pratique que vivent les femmes.

Je préférerais que vous vous battiez contre ce phénomène qu'a très bien décrit Aurore Bergé, cette espèce de pression psychologique qu'exercent certains médecins en allant jusqu'à faire écouter le coeur du foetus pour dissuader les femmes d'avorter. La nature de l'information compte, à cet égard, presque plus que le devoir d'information. C'est un véritable parcours du combattant que doivent suivre les femmes qui avortent. Elles ne prennent pas cette décision parce qu'elles en ont envie ou parce que l'idée leur en est venue comme ça. Elles le font par nécessité, une nécessité qui leur appartient et qu'elles n'ont pas besoin de justifier devant un praticien, fut-il en blouse blanche.

Faisons en sorte que ce parcours soit le moins douloureux et le plus fluide possible. C'est là-dessus qu'il faut vous battre, mesdames et messieurs les députés. Il ne s'agit certainement pas de réintroduire des freins faisant peser une pression sociale ou psychologique, quelle qu'en soit la nature.

Avis très fortement défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.