Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Mais vous n'avez pas jugé utile de présenter les choses ainsi, pas plus que vous n'avez jugé bon d'adjoindre à ce budget un plan de financement pluriannuel – je ne parle même pas d'une loi de programmation. Vous en êtes restés à des généralités concernant le financement. Cela aurait pourtant été une innovation utile, susceptible d'inspirer davantage de confiance.

Ce qui caractérise ce budget, c'est que vous ne financez rien. J'en veux pour preuve que notre niveau de dette publique devrait avoisiner les 117 % du PIB pendant la période de 2020 à 2025. Notre dette ne décroîtrait pas, alors même que celle des pays de l'Union européenne se situe en moyenne aux alentours de 80 % du PIB.

Pour quoi nous endettons-nous ? Pour du fonctionnement ! Sur les 153 milliards du déficit de l'État prévu pour 2021, seul un sixième proviendra de dépenses d'investissement. Les dépenses de fonctionnement continuent à augmenter plus rapidement que les dépenses d'investissement, et ce, malgré le plan de relance. C'est d'autant plus inquiétant que, sur les deux années 2020 et 2021, la dette augmentera de 400 milliards, soit quatre fois le montant du plan de relance que vous proposez ! Il y a une dette nécessaire, celle qui permet l'investissement et le soutien aux secteurs économiques gravement touchés ; il y a une dette dangereuse, la dette de fonctionnement, qui est une véritable bombe à retardement.

Au sein de cette dette publique, vous avez annoncé vouloir cantonner la « dette covid » en la séparant du stock de dette initiale. C'est un peu une manière pudique d'oublier tout le reste de la dette, et c'est une méthode très critiquable. À côté des intentions politiques, il y a la réalité budgétaire, et cela ne fonctionne pas. Ainsi, tel Sisyphe poussant son rocher, vous êtes régulièrement amenés à prolonger la durée de vie de la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES. La Cour des comptes estime elle-même qu'il faudrait ajouter une cinquantaine de milliards d'euros aux ressources supplémentaires que vous lui avez attribuées. Quant à votre affirmation selon laquelle la dette covid sera amortie en 2042, elle n'a guère de sens. Vous semblez préjuger que nous visons la dernière crise. Pourtant, les crises se multiplient et leur fréquence augmente : de centennales, elles deviennent décennales.

Vous engagez des dépenses considérables en faisant reposer leur financement sur l'accroissement, tout aussi considérable, de l'endettement, sur l'augmentation hypothétique d'une croissance potentielle déjà forte et sur le versement de fonds européens dont l'horizon de décaissement demeure pourtant incertain. Or seule la réforme peut améliorer la croissance potentielle. Et un État qui ne finance plus, c'est un État qui ne se réforme plus ! Le risque de la relance, c'est celui de relancer nos faiblesses, notre incapacité à maîtriser la dépense publique.

L'absence de financement est criante en matière de dépendance. Vous prévoyez la création d'un cinquième risque que vous ne financez pas, alors même que les quatre autres branches de la sécurité sociale sont en alerte rouge, avec un déficit de 44 milliards.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.