Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Si, comme chaque année, nous nous retrouvons en cet automne pour débattre des perspectives économiques, budgétaires et fiscales de la France, le présent débat a la particularité de s'inscrire au coeur d'une crise sanitaire qui est loin d'être terminée et dont les conséquences économiques et sociales sont loin d'être connues.

C'est donc cela – et seulement cela – qui devrait être discuté et, surtout, qui devrait vous inspirer la recherche d'un consensus le plus large possible. Or, ce n'est pas le choix que vous avez fait, monsieur le ministre délégué.

Sur les trente et un articles qui vont nous occuper jusqu'à la fin de la semaine, aucun n'a été construit en lien direct avec la crise, à l'exception de l'article liminaire, qui fixe la prévision de solde budgétaire, et de l'article 22, qui prévoit de compenser la baisse des recettes des collectivités locales. Ce n'est pas très sérieux. Le Gouvernement aurait eu tout intérêt à faire correspondre ce projet de loi à la présentation qu'en a donné le ministre de l'économie, des finances et de la relance dans son intervention, mais cela n'a pas été le cas. Nous savons pertinemment que seuls comptent les textes effectivement votés, et que les discours n'ont de réalité que s'ils se retrouvent dans la loi.

Vous baissez les impôts de production, en réussissant à trouver plus d'entreprises gagnantes à cette mesure, dans vos calculs, qu'il n'en existe en France. J'en suis scotchée ! Ainsi, alors que, selon l'INSEE, la France compte 5 722 entreprises de taille intermédiaire, vous annoncez que 8 939 seront gagnantes. Monsieur le ministre délégué, j'attends que vous nous expliquiez ce tour de passe-passe ; cela ressemble à un miracle.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, vous augmentez les taxes, dans ce projet de loi de finances pour 2021. En faisant la somme, dans un simple fichier Excel, des montants prévus dans vos évaluations, il apparaît que vous les augmentez de 200 millions d'euros pour 2021 et de plus de 800 millions d'euros pour 2022 – cela, je le répète, en additionnant simplement les évaluations du Gouvernement lui-même. Bien sûr, sur cette augmentation, vous ne dites pas grand-chose.

Contrairement également à ce que vous affirmez, vous ponctionnez aussi le produit des taxes affectées, en abaissant leurs plafonds. Concrètement, si le rendement d'une taxe affectée est plus élevé que le plafond que vous voulez inscrire dans la loi, la différence entre les deux abondera le budget de l'État. Avec un tel système, quelque 180 millions d'euros du produit des taxes affectées passeront sous le nez de ceux qui auraient dû en bénéficier.

Comme vous ne parlez que rarement de la crise dans les articles de ce projet de loi de finances, je souhaite vous en dire quelques mots. Concernant les perspectives globales, la publication de l'INSEE du 6 octobre fait apparaître deux évolutions majeures, que votre projet de loi de finances ne prend pas en considération – et pour cause, ces chiffres ont paru après sa présentation.

Premièrement, l'évolution de la croissance serait de 0 % au quatrième trimestre de 2020, alors que vous avez tablé sur une relance.

Deuxièmement, au quatrième trimestre de 2020, l'évolution des dépenses de consommation des ménages français serait négative, diminuant de 1 % par rapport au niveau du troisième trimestre de 2020, alors que vous avez tablé sur une reprise de la consommation.

Outre-Rhin, l'Allemagne n'est concernée par aucune de ces deux évolutions : l'activité économique continue de repartir au quatrième trimestre et la consommation reste dopée par la baisse de trois points de la TVA, décidée dans le cadre de son plan de relance présenté dès juin 2020.

L'Allemagne a agi rapidement. Elle a même agi à l'encontre de son ADN : elle consacre en effet rarement de l'argent public au soutien de la demande. Sur ce point, monsieur le ministre délégué, j'espère que vous aurez l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous vous avons alertés à l'occasion de chaque débat budgétaire depuis mars. Je suis d'autant plus à l'aise pour le faire de nouveau que nous avons voté les deux premiers PLFR, alors que vous ne nous avez pas écoutés sur ce point. Je persiste à dire qu'un vrai plan de relance marche sur deux jambes : l'offre et la demande. Je sais que vous refusez ce débat mais il existe bel et bien.

Ensuite, vous devriez prévoir des actions plus ciblées. Dans une interview au quotidien Les Échos, le rapporteur général a évoqué une reprise en « K ». Je partage son analyse : certains secteurs reprennent, tandis que d'autres s'enfoncent. Là encore, monsieur le ministre délégué, il aurait été plus pertinent que vous cibliez davantage l'argent public, par secteur, de façon quasi chirurgicale. Parmi les entreprises oubliées de votre PLF, il y a les TPE et les PME, notamment celles qui comptent plus de vingt salariés et ne sont donc pas éligibles au fonds de solidarité. Pour elles, c'est souvent une question de survie : pour certaines, nous vous demandons l'annulation de certaines dettes, notamment celles liées à l'épidémie de covid-19. Il serait nécessaire aussi que vous dopiez la commande publique. Dans le secteur des travaux publics, par exemple, le nombre d'appels d'offres est en chute de 40 %. Cela signifie que, dans deux mois, le carnet de commande des entreprises du secteur connaîtra la même évolution.

Enfin, et c'est peut-être le plus grave, vous faites l'impasse sur la jeunesse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.