Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Je reste donc circonspect devant un gouvernement qui annonce vouloir financer la relance, et donc l'augmentation de la dette, par la croissance. Au regard des incertitudes qui pèsent sur nous, j'estime qu'il faut mener, de front, une politique de soutien, de relance, et des économies structurelles.

Par ailleurs, l'autonomie fiscale des collectivités est mise à mal par ce projet de loi de finances. Le groupe Libertés et territoires considère qu'une reprise durable de la croissance implique avant tout le retour de la confiance, de la part de tous les acteurs économiques : ménages, entreprises et collectivités territoriales. Le plan de relance est-il susceptible de rétablir cette confiance ? La diminution de 10 milliards par an des impôts de production est votre mesure phare ; elle va dans le bon sens. Un bémol cependant : il s'agit non pas d'une mesure de relance, mais d'une mesure de compétitivité.

En revanche, s'agissant de la compensation aux collectivités territoriales – question centrale pour notre groupe, qui défend leur autonomie fiscale – , nous revivons l'épisode de la suppression de la taxe d'habitation. Le Premier ministre a beau répéter à l'envi le mot « territoires », il s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs en diminuant un peu plus l'autonomie fiscale de ces collectivités, qui sont pourtant un moteur du développement économique. Le girondin et surtout le tocquevillien que je suis condamne cet affaiblissement continu de la décentralisation. Aujourd'hui, vous financez de plus en plus les collectivités par les dotations d'un État hégélien en situation de faillite, afin de mieux les tenir et les contraindre.

On ne peut dire aux collectivités d'assumer davantage de responsabilités et de compétences sans leur accorder des recettes fiscales réelles, qui leur garantissent une véritable capacité de décision et, surtout, assurent un lien direct entre le citoyen, électeur et contribuable, et ses élus locaux. Compte tenu de leur rôle d'investisseur public, elles doivent conserver leurs marges de manoeuvre fiscales, afin d'adapter leurs mécanismes de soutien à l'économie et de répondre, au plus près, aux besoins de nos concitoyens confrontés à l'aggravation du chômage.

Notre groupe s'est opposé, comme beaucoup d'autres, à une nouvelle ponction de 100 millions d'euros opérée sur le réseau des chambres de commerce et d'industrie. Je souhaite et j'attends avec impatience que la suppression de ce prélèvement, adoptée en commission à une écrasante majorité, soit confirmée en séance. Monsieur le ministre délégué, la France a besoin de ses corps intermédiaires : arrêtez de les affaiblir ! D'après mon deuxième bureau, d'ailleurs, vous devriez nous proposer un amendement en ce sens, ayant compris qu'il ne fallait pas trop insister. En effet, s'il est une leçon à tirer de la crise des gilets jaunes, puis de la crise sanitaire, c'est bien l'échec de la pratique verticale et monolithique du pouvoir.

Revenons-en à la baisse des impôts de production, cette fois du point de vue des entreprises. Avec 72 milliards d'euros prélevés en 2018, les impôts et taxes de production pèsent en France le double de la moyenne des pays européens, sept fois plus qu'en Allemagne. Encore une fois, l'objectif de cette baisse est d'améliorer la compétitivité de nos entreprises ; mais en entrant dans les détails, on relève que vous la concentrez sur les grandes entreprises. Ce choix ne manque-t-il pas en partie sa cible, en ne soutenant pas nécessairement les bons secteurs ? Nous craignons en outre que la suppression de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et la baisse du plafonnement de la contribution économique territoriale profitent essentiellement aux grands groupes, et fort peu aux PME.

Si une large part des moyens déployés est consacrée à soutenir les entreprises, notre groupe regrette l'absence d'un volet social plus construit dans le projet de loi de finances pour 2021. Nous saluons, après l'avoir soutenu, le dispositif de chômage partiel, qui a constitué un filet de sécurité nécessaire pour beaucoup de salariés. De même, nous accueillons favorablement les dispositifs visant à accompagner les jeunes vers l'emploi. Toutefois, force est de constater que les titulaires d'emplois précaires, intérim, CDD, dont les contrats n'ont pas été reconduits et qui se sont retrouvés au chômage, alors qu'ils n'avaient pas tous suffisamment cotisé pour bénéficier d'une allocation, sont totalement absents des mesures économiques et sociales prévues par ce texte.

La crise sanitaire se poursuit et la crise sociale s'accentue. Par conséquent, les départements voient exploser le nombre de demandes visant à obtenir le revenu de solidarité active : à ce jour, l'augmentation est de l'ordre de 7 % pour 2020 et, au dernier pointage, 1,9 million de foyers le perçoivent. Notre groupe demande d'ailleurs que ce chiffre, qui date du mois de mars, soit actualisé rapidement, car l'augmentation prévisible du chômage dans les prochains mois conduira inexorablement à celle du nombre des bénéficiaires du RSA. Les dépenses associées devraient, au-delà d'un certain niveau, relever prioritairement de la solidarité nationale et être prises en charge par l'État.

Par ailleurs, alors que la crise du covid-19 a paupérisé une partie de la population française, chaque jour plus dépendante des réseaux de solidarité, les associations et les structures d'accueil ne figurent dans ce plan de relance que pour 200 millions d'euros. Pourquoi un tel choix ?

Les députés du groupe Libertés et territoires ont la conviction que le budget de 2021 doit concilier ambition économique et impératifs écologique et social. Sa dimension environnementale constitue certes un progrès par rapport aux années précédentes, mais je n'irais pas jusqu'à parler de « pas de géant ». L'élargissement du dispositif MaPrimeRénov' aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, par exemple, répond à une demande de longue date de notre groupe. Toutefois, pour se mettre en mouvement, les acteurs de la rénovation énergétique ont besoin de stabilité et de visibilité, s'agissant de l'ensemble des dispositifs d'aide : ce n'est pas encore le cas, puisque les 2 milliards additionnels ne sont prévus que pour les deux années à venir.

Quant au volet agricole, il est tout à fait insuffisant. Les situations varient fortement en fonction des terroirs et des filières, mais à l'heure où nos agriculteurs font face à des exigences croissantes en matière de qualité, de respect de la biodiversité et de réduction de leur impact environnemental, il est nécessaire de les soutenir et de les accompagner.

C'est dans un esprit constructif que nous abordons l'examen de ce budget : l'état du pays le commande. Nous proposerons donc, tant en première qu'en seconde partie, une série d'améliorations visant à combler les nombreux trous dans la raquette. En revanche, vous comprendrez qu'en son état actuel, au regard des critiques que j'ai évoquées et de l'absence de réponse à nos multiples propositions, notre groupe ne pourra pas voter en faveur du projet de loi de finances pour 2021.

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