Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Si le président du MEDEF s'inquiétait alors de l'emploi du conditionnel, il est désormais rassuré : « C'est ce qu'on avait demandé », s'exclamait-il après la présentation du plan de relance. Profitant de la crise, ce projet de loi de finances est donc un cadeau fait au patronat avec un peu de retard.

C'est le même dogmatisme qui préside à votre refus d'assortir les aides de conditions sociales et écologiques. Cela paraît pourtant nécessaire à l'heure où il convient d'accentuer la transition écologique, d'autant que les secteurs qui bénéficieront les premiers de la diminution des impôts de production sont parmi les plus polluants. Réaliste, le groupe Socialistes et apparentés proposera d'introduire de telles conditions par voie d'amendements.

C'est encore le même dogmatisme qui vous conduit à ne pas cibler les baisses d'impôts sur les TPE et les PME alors qu'elles emploient une grande partie des salariés de notre pays ; c'est toujours le même dogmatisme qui préside au caractère totalement déséquilibré de ce projet de loi de finances, quasi exclusivement tourné vers le soutien à l'offre. La faiblesse des crédits alloués aux ménages et aux plus fragiles risque fortement de compromettre la reprise. Vous avez choisi de tourner le dos aux préconisations de l'INSEE et de la Banque de France en présentant ce qui s'apparente davantage à un plan d'investissement qu'à un plan de relance. En effet, les mesures mises en oeuvre ne porteront leurs fruits qu'à moyen terme, alors que l'urgence de la situation appelle un soutien immédiat et vigoureux.

C'est enfin le même dogmatisme qui vous pousse à financer ces baisses d'impôts par la suppression de recettes fiscales qui abondent les caisses des collectivités territoriales. Certes, ces pertes seront compensées mais les collectivités perdent une fois de plus de leur pouvoir fiscal, ce qui les éloignera des citoyens et érodera un peu plus le consentement à l'impôt. Les finances locales ne sauraient constituer la variable d'ajustement du budget de l'État. Ce projet de loi de finances opère un mouvement de recentralisation sans précédent, dans la droite ligne des orientations prises depuis 2017.

Comment ne pas s'étonner pour finir, de l'absence de financement de ces crédits par des recettes nouvelles ? Vous faites le pari du financement par la dette, alors que vous ignorez totalement ce que seront les conditions de marché dans les mois et les années à venir : vous naviguez à vue. Pourtant, la crise sanitaire constituait l'occasion rêvée de revenir sur vos errements passés. L'INSEE a confirmé le mois dernier que la suppression de l'ISF et le bouclier fiscal protégeant les revenus du capital avaient fortement aggravé les inégalités dans notre pays. Les voilà les sources de financement ! Les besoins exceptionnels appellent plus que jamais des contributions exceptionnelles, comme une réforme de l'impôt sur les successions ou l'instauration d'une taxe sur les plus hauts revenus.

Le 4 octobre dernier, dans sa dernière encyclique, le pape François appelait à mettre fin « à ce dogme de la foi néolibérale [… ] recourant à la notion magique de ruissellement [… ] comme seul moyen de résoudre les problèmes sociaux. » Puissiez-vous l'entendre et mettre fin à cette politique en faveur de la minorité qui capte la très grande majorité des richesses produites.

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