Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

À circonstances exceptionnelles, budget exceptionnel, mais aussi déficit exceptionnel. La situation dans laquelle nous nous trouvons est sans équivalent dans notre histoire contemporaine ; elle était de surcroît totalement imprévisible. Ce qui était impossible il y a quelques mois, devient possible, comme par magie. Cela évoque cependant le tonneau des Danaïdes. En l'absence de réformes réelles, il n'existe aucune raison de ne pas aboutir, encore et toujours, au même résultat, pire qu'insatisfaisant.

Pour le moment, il nous faut agir, prioritairement en faveur des secteurs les plus touchés par l'épidémie. Je pense aux bars, aux restaurants, aux hôtels, ainsi qu'à ceux qui sont moins souvent mentionnés.

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion d'évoquer le cas des agences de voyages avec M. le ministre Bruno Le Maire ; les multitudes de situations qu'elles recouvrent impliquent une écoute particulière et un véritable travail de dentelle.

Je voudrais également évoquer l'aide aux commerces de proximité. Vous avez annoncé que des foncières seront constituées, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, afin d'acheter des commerces en grande difficulté, voire fermés. C'est une bonne chose, mais le plan Action coeur de ville offre déjà cette possibilité. À Béziers, nous avons travaillé dans cet objectif avec la Caisse des dépôts. Au terme de près de deux ans de travaux, toutes les études sont achevées, et la Caisse est d'accord pour entrer au capital de cette société foncière, à hauteur de 50 % environ. C'est une très bonne nouvelle mais, faute de partenaires privés, nous aurons du mal à lancer rapidement ces opérations, si nécessaires à notre centre-ville. Si les banques privées ne sont pas incitées à prendre leur part dans les mécanismes de ce genre, nous ne parviendrons pas à stimuler et protéger le commerce de proximité. C'est là que nous devons concentrer nos efforts, au lieu de nommer des sous-préfets à la relance.

J'appelle également votre attention sur un autre secteur spécifique : les travaux publics, confronté à une chute de 40 % des appels d'offres. Cela signifie concrètement que le carnet de commandes des entreprises fond comme neige au soleil. Le secteur du bâtiment neuf, tout particulièrement, a connu un véritable décrochage l'année dernière. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous garantir la stabilité ou, mieux encore, l'amélioration du cadre fiscal incitant à la construction neuve ou à la rénovation lourde ? Je pense notamment à l'extension à d'autres régions, comme l'Occitanie bien sûr, de l'expérimentation bretonne du dispositif Pinel, ainsi qu'à un surclassement en zone B1 des communes situées en zone B2, selon des critères bien déterminés. Il y a urgence !

L'augmentation des crédits alloués aux domaines régaliens constitue une autre caractéristique de ce projet de loi de finances : plus 433 millions d'euros pour le ministère de l'intérieur ; plus 610 millions pour celui de la justice, soit une hausse inédite de 8 %. Ils en avaient bien besoin, et nous serons naturellement attentifs à la manière dont ces nouveaux crédits seront déployés, afin notamment qu'ils participent à la protection légitime des forces de l'ordre – c'est d'actualité – ou, par exemple, à la construction de 15 000 places de prison durant le quinquennat, conformément à la promesse électorale du Président Macron.

Le temps me manque mais je ne peux passer sous silence les moyens alloués à l'enseignement supérieur, dont les crédits augmentent de 500 millions d'euros. Bravo ! J'espère seulement que cet argent participera à remédier à une certaine injustice. Deux chiffres seulement : 78 % des étudiants de notre académie poursuivent leurs études à Montpellier, contre 1,4 % seulement à Béziers. Où est l'égalité territoriale ?

Enfin, vous affirmez tenir particulièrement à la sincérité de la loi de finances. Vous proposez ainsi de supprimer sept petites taxes à faible rendement, c'est très bien. Mais, parmi celles-ci, figure une taxe liée à l'exploitation d'oeuvres pornographiques. Êtes-vous sérieux ? Quant à moi, je vous suggérerai, cette année encore, de supprimer la niche fiscale des journalistes : ce serait un bon signal en faveur de l'indépendance de la presse et une mesure égalitaire, vous en conviendrez, puisqu'il n'y a aucune raison, en 2021, comme les années précédentes, qu'un journaliste, à salaire égal, paie deux fois moins d'impôts qu'un Français exerçant une autre profession.

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