Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du lundi 12 octobre 2020 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Si je devais qualifier le projet de loi de finances pour 2021 et le plan de relance qui l'accompagne, je leur attribuerais trois qualificatifs : tardifs ; déséquilibrés en ce qui concerne le rapport entre les politiques de l'offre et celles de la demande ; inquiétants quant au niveau de la dette – plus de 115 % du PIB, je le rappelle, et un déficit de fonctionnement excédant les 150 milliards d'euros.

Ils sont tardifs parce que nous traversons une crise sanitaire internationale conjoncturelle. Alors que nous atteignons la croisée des chemins, le début de la reprise, nous entrons en compétition avec les pays voisins, et nous constatons que nous partons trois ou quatre longueurs derrière l'Allemagne, qui a lancé son plan de relance beaucoup plus tôt, comme si nous avions du retard à l'allumage. Ce retard est accentué par des mesures comme la baisse des impôts de production, aux effets par nature décalés. Nous regrettons que vous n'ayez pas écouté les propositions que nous avons formulées dès le mois de juin pour faire rebondir l'activité.

Ce projet de budget se caractérise ensuite par un déséquilibre entre les politiques de l'offre et celles de la demande. Le covid-19 sert même d'excuse pour remettre au goût du jour des politiques néolibérales, fondées sur l'offre. Je pense notamment à la diminution des impôts de production, qui pose plusieurs problèmes et suscite des inquiétudes. Le premier problème a trait aux effets décalés de la mesure, je le répète. Par ailleurs, elle ne concerne que les grandes entreprises ou du moins celles ayant vocation à exporter. Un autre problème a trait à l'autonomie des collectivités territoriales, ce qui requiert la compensation de la diminution de leurs recettes. En outre, de telles baisses d'impôt n'ont aucun effet dissuasif sur les entreprises voulant délocaliser, comme le montre l'exemple de Bridgestone. Enfin, l'expérience du CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – , qui s'est traduit par 90 milliards d'euros de dépenses pour seulement 150 000 emplois créés, devrait vous servir au moment de prendre ce genre de décisions.

Améliorer la compétitivité des entreprises est positif, baisser les impôts de production a ses vertus, notamment pour conforter les encours de trésorerie, améliorer l'outil de production ou accroître les salaires, mais nous regrettons vivement que votre projet de loi de finances ne contienne aucune mesure tentant de limiter la distribution de dividendes. Nous aurions préféré que ce projet de budget déploie des politiques plus équilibrées et plus favorables à la demande, afin de provoquer la relance par la consommation. C'était plus que nécessaire au regard de l'urgence sociale, plus d'1 million de personnes étant de nouveau plongées dans la grande misère, la pauvreté. Il aurait été opportun de distribuer un peu de pouvoir d'achat aux jeunes, aux gens qui ont souffert de la crise et à ceux qui ont entrepris « l'effort de guerre », comme on a dit. La relance par la consommation permettrait en outre de remplir à nouveau les carnets de commandes des entreprises.

Ce projet de loi de finances est inquiétant car, je le répète, il porte la dette à plus de 115 % du PIB et le déficit à 150 milliards d'euros. Il y a encore quelques mois, on nous disait qu'il était interdit de s'endetter autant, pour ne pas lier les générations futures, et on opposait des fins de non-recevoir à nos demandes d'augmentation du financement des hôpitaux et des EHPAD. Si demain vous vous inquiétez du niveau de la dette, je suis sûr que vous concocterez de nouveau, comme vous savez le faire, des politiques d'austérité conduisant à l'affaiblissement des services publics et à la contraction des prestations sociales. Voilà quel sera le deuxième effet du plan de relance.

Nos propositions sont différentes. Nous aurions préféré chercher de nouvelles recettes pour financer une politique soutenant la demande. Il n'aurait pas été indécent, notamment, d'accroître le produit de la flat tax – le prélèvement forfaitaire unique – , impôt sur les revenus du capital dont le taux est à 12,8 %, je le rappelle, tandis que la première tranche de l'impôt sur le revenu s'établit à 14 %.

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