Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 31 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Être souverain, c'est également disposer d'un financement pérenne et autonome. Or 30 % seulement des ressources de l'Union européenne proviennent des droits de douane et d'une fraction de TVA reversée par les États membres. Cette faible proportion implique donc que les États membres assurent, avec leur budget national, la grande partie du financement européen. Chaque fois, cela conduit les chefs d'État et de gouvernement à des marchandages à n'en plus finir – dont ceux liés au rabais, que j'ai évoqués tout à l'heure.

Pour gagner en souveraineté, l'Europe doit traduire cette exigence au travers de ressources : une taxe carbone à ses frontières pour protéger les productions européennes ; une taxe sur les transactions financières pour protéger son système financier. Or cette démarche est encore trop timide à ce stade. Les chefs d'État et de gouvernement s'y sont certes engagés lors du Conseil européen du 21 juillet dernier, à la suite de l'accord obtenu sur le plan de relance européen. Mais là aussi, nous avons besoin de gages, et besoin qu'ils arrivent plus vite.

Être souverain, c'est respecter l'État de droit, fondement de ce que nous sommes en tant que nation française mais aussi en tant que membre de l'Union européenne. L'article 2 du traité sur l'Union européenne est très clair : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. » Ne pas respecter ces fondements, c'est se placer implicitement hors de l'Union européenne. Dès lors, l'Europe ne sera forte que si elle fait respecter ses propres fondements : elle ne saurait être un tiroir-caisse où l'on se sert à sa guise.

Par conséquent, si l'Europe met plus d'argent sur la table, notamment au travers du plan de sauvetage, elle est aussi en droit de demander une véritable conditionnalité liée au respect de l'État de droit. Or le compromis adopté lors du Conseil européen du 21 juillet est en net retrait par rapport aux propositions antérieures. Il met clairement en doute l'efficacité du recours à un tel mécanisme, en exigeant désormais que les sanctions soient adoptées à la majorité qualifiée. Dans la version antérieure proposée par la Commission européenne, il revenait aux États membres visés par cette procédure de trouver une majorité qualifiée pour empêcher les sanctions de s'appliquer à eux-mêmes.

Enfin, être souverain, c'est se fixer un cap. Or l'Europe s'est enfermée dans un langage technocratique que seuls les techniciens de Bruxelles comprennent désormais. Comment voulez-vous faire rêver ou susciter une quelconque adhésion en n'évoquant que les 750 milliards d'euros du plan de relance ? Ce plan est une étape importante, essentielle pour la survie de nos économies, mais il faut dire ce que nous en faisons ! Voulons-nous une industrie européenne du médicament, un réseau de transports à grande vitesse et à bas carbone, un système de financement des PME européennes pour éviter qu'elles ne se fassent racheter par les multinationales américaines et les fonds de pension ? Il faut dire en quoi ce plan nous permet de renforcer notre souveraineté européenne !

Je fais partie de celles et ceux qui croient que la créativité avec les Allemands, les Espagnols, les Italiens et les Belges est porteuse de valeur ajoutée et de richesse pour la France et pour l'Europe. Je crois surtout qu'elle est indispensable pour affronter la rude concurrence mondiale, qui ne nous fait aucun cadeau. Mais on ne peut pas prendre pour solde de tout compte un chiffre magique de 750 milliards d'euros. Je voudrais, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous parliez vous-mêmes des projets concrets, car ce sont ces projets, et seulement eux – dans les domaines de la santé, des transports, de l'énergie – qui crédibiliseront notre souveraineté européenne.

Pour revenir à l'objet de cette séance, nous voterons pour l'article concernant le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne. Nous voterons pour, car nous sommes convaincus de la nécessité d'une souveraineté européenne forte, mais ce vote ne saurait être considéré comme un quitus donné quant à ce que nous souhaitons en matière de souveraineté européenne.

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