Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 31 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

C'est absurde. Et cette année, peut-on nous dire, de voix gouvernementale, pour quelle raison nous avons accepté que le rabais de l'Allemagne soit maintenu à 3,6 milliards d'euros par an ? Pour quelle raison avons-nous accepté cela, alors que nous ne voulons plus d'un système « archaïque, injuste et illisible », comme je le disais à l'instant ?

Cet écart va contribuer à renforcer les décalages économiques entre la France et l'Allemagne. Je le dis non seulement du point de vue de l'intérêt français, mais aussi du point de vue de l'intérêt européen. Personne n'a intérêt à ce que se creuse l'écart entre Français et Allemands. Ce serait la fin de tout ce qui a été construit.

Pour ma part, je ne suis pas un partisan du chaos. Si je suis, avec mes camarades communistes et quelques autres, critique – très critique ! – vis-à-vis de l'Europe de ces traités-là, il n'empêche que nous ne sommes pas partisans du bordel, pardon, du chaos qui surviendrait si, tout d'un coup, nous lâchions tout en nous abandonnant à la seule logique de la confrontation entre les pays. Nous sommes partisans de la concorde, mais encore faut-il qu'elle se fasse dans des conditions qui soient acceptables à nos yeux ; or ce n'est pas le cas pour la France.

J'ai évoqué le rabais de l'Allemagne. Mais pour quelle raison l'Autriche a-t-elle le droit de voir son rabais augmenter de 49 % ? Pour quelle raison les Pays-Bas voient-ils le leur augmenter de 176 %, le Danemark, de 190 %, et la Suède, de 177 % ? Bref, ce sont 2,6 milliards d'euros à trouver chaque année, et la France finance à elle seule le quart de toute cette somme. Pourquoi ? Que nous vaut ce traitement particulier ? Pourquoi ne peut-on pas répartir ce montant ?

Si je suis obligé de parler ainsi, c'est à cause de la façon dont se construit cette Europe des traités. Mon collègue Bourlanges a raison de dire que l'esprit européen tient à la volonté des nations, mais aussi à celle qu'exprimerait l'Europe elle-même. Si elle n'a pas de ressources propres, alors comment peut-elle affirmer politiquement ce qui est important pour elle – ce qui est important pour son avenir ? Elle ne peut faire qu'une chose : répartir un effort de solidarité, payé par l'argent de chaque nation. Mais si l'on se contente de faire cela, vous voyez bien qu'on n'est plus en mesure de faire de la prospective !

C'est ici même, de nos rangs, qu'était venue Mme Loiseau pour dire qu'il n'était pas question de subventionner des États qui se servaient des subventions pour pratiquer le dumping social à l'égard de la France. Pourtant, ils le font tous, à commencer par les Pays-Bas qui, notamment par leur régime fiscal à l'égard des multinationales, prennent l'argent qui devrait normalement aller dans les caisses de l'Italie et de la France, parce que des entreprises qui réalisent l'essentiel de leur revenu dans ces pays s'en vont cotiser ailleurs, sans que personne n'y trouve rien à redire ! Et on se réconforte par des louanges et des chants sur l'amour que les Européens se portent, le couple franco-allemand et autres allégories romantiques tout à fait sympathiques, mais sans aucun rapport avec le seul principe qui vaille en politique : la réalité.

La réalité, c'est que les Français sont les dindons de la farce. Et je vous fais les gros yeux pour avoir déserté le Conseil au cours duquel le Président a pensé qu'il était élégant de demander à Mme la chancelière de nous représenter.

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